DOSSIER

POUR FSU 223

Au service du public

″L’atout primordial que constituent services publics et Fonction publique dans une crise historique telle que nous la connaissons″

DOSSIER

POUR FSU 223

Au service du public

″L’atout primordial que constituent services publics et Fonction publique dans une crise historique telle que nous la connaissons″

Dossier réalisé par: Sandrine Charrier, Pierre Garnier, Matthieu Leiritz, Marie-Rose Rodrigues-Martins, Valérie Soumaille.

Ce dossier apprendra-t-il quelque chose à nos lectrices et lecteurs puisque toutes et tous, y compris les retraité·es, sont d’une façon ou d’une autre sur le pont ?
L’équipe de Pour pense que oui, car si vastes sont les missions des agent-es de la Fonction publique et des services publics !
Dans les pages qui suivent, vous trouverez des témoignages sur les femmes et les hommes qui, par leur travail et leur engagement, comme de nombreuses travailleuses et de nombreux travailleurs dans le privé, font tenir debout le pays. Personnels de santé bien sûr, mais aussi fonctionnaires territoriaux, ouvriers dans les établissements scolaires, personnels enseignants et administratifs, travailleurs sociaux et tant d’autres. Ils et elles sont la preuve vivante, et trop souvent souffrante faute de moyens appropriés, de l’atout primordial que constituent services publics et Fonction publique dans une crise historique telle que nous la connaissons.
Place à leurs témoignages.

Continuité pédagogique : les personnels sont présents

Dès la fermeture des écoles, collèges, lycées, établissements d’enseigne- ment supérieur, les ministres ont décrété la « continuité pédagogique ». Qui n’a rien à voir avec l’enseignement en classe.

Les enseignant-es, conseiller-es pédagogiques, personnels ressources notamment dans les usages numériques, CPE, Psy-ÉN, AED, AESH… ont essayé d’adapter leurs pratiques professionnelles à la situation. Alors même que de nom- breux bugs techniques rendaient complexe le télé travail, toutes et tous ont déployé des efforts d’adaptation et des trésors d’ingéniosité. Partout, il a fallu d’abord maintenir et organiser le lien avec les élèves et les familles, avec les étudiant-es, adapter les cours, les emplois du temps, les explications, les supports, les traces écrites, se questionner sur la nature et la quantité de travail à donner, tout en respectant le règlement général sur la protection des données (RGPD). En fonction des niveaux d’enseignement, s’auto-former à l’usage des outils du CNED avec la plateforme en ligne « Ma classe à la maison », de Canopé, Eduscol, Eduter, ainsi qu’avec les multiples applications de visioconférences et les plate- formes d’apprentissage en ligne (Moodle). Puis transmettre cette expérience aux élèves, aux familles, aux jeunes via les ENT, le télé- phone, les courriels…

Ne pas creuser les inégalités

Il a fallu réfléchir pour limiter au mieux les effets des inégalités consécutifs au travail hors de la classe : adaptations pédagogiques, prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers, question du temps de travail exigible des élèves en fonction du niveau d’enseignement, de l’autonomie des élèves, des ou de la discipline enseignée, nature des outils à disposition (ordinateurs, imprimante, pièce calme), nombre de frères et sœurs qui les partagent, accès ou non à un ordinateur, difficultés à s’organiser pour le travail des enfants à la maison… Il n’est en outre pas si facile de se contraindre à travailler seul-e, sans groupe classe, et sans enseignant-e. Et quid des enfants et des jeunes en situation de grande pauvreté, qui manquent de tout pour travailler à distance ? Et ce fut l’occasion de constater à nouveau que chez les personnels de direction et d’inspection, le choix de l’accompagnement, de la mise à disposition de ressources, du soutien était largement plus profitable que celui de l’injonction ou de la modélisation.
En lycée professionnel et en lycée agricole, aucune vidéo ne permettra l’acquisition de gestes techniques ou de savoir-faire professionnels. Et quid du fonctionnement des exploitations agricoles au sein des lycées agricoles ?

Continuité pédagogique à distance ?

Dans l’enseignement supérieur, l’urgence a été pour toutes et tous les étudiant-es le maintien d’un lien avec les équipes pédagogiques et de recherche, et non pas le main- tien total des contenus des cours. Une attention particulière a été portée aux inégalités dans l’accès aux ressources numériques et aux difficultés rencontrées par les étudiant-es dans l’organisation de leur vie confinée. Le maintien et le paie- ment des heures de vacations des doctorant-es, des enseignant-es précaires et des étudiant-es-moniteurs et monitrices sont également un enjeu de la crise actuelle.
Quelles limites et quel sens donner à la continuité pédagogique ? Jean- Michel Blanquer ne l’a jamais évoqué, alors même que son homo- logue belge en posait les bases :
« Les travaux ne peuvent en aucune manière porter sur des apprentis- sages qui n’ont pas été abordés préalablement en classe ». « Les travaux à domicile ne peuvent pas faire l’ob- jet d’une évaluation sommative, mais bien d’une évaluation formative [sans notation] ».
Devant les injonctions du ministre voulant réduire l’obligation de confinement, la FSU et une large intersyndicale a demandé dès le 23 mars qu’ « aucun personnel, aucune famille ne puisse être sommé de déroger au confinement, sauf absolue nécessité justifiée par l’organisation concrète de la continuité du service ou pour l’organisation de l’accueil des enfants de soignant-es ».
Le ministère doit cesser d’évoquer
une « continuité pédagogique » où il faudrait agir coûte que coûte, en laissant croire qu’on pourrait atteindre les mêmes objectifs d’apprentissage qu’avec l’enseignement en classe.

Métiers d’urgence et soignant·es

École : solidaires des métiers d’urgence

Dès la première semaine de confine- ment, un dispositif a été mis en place pour accueillir les enfants de soignant-es sans solution de garde et mobilisé-es dans la prise en charge des malades du Covid-19, de la petite section maternelle à la classe de troisième.

En France, au moins 20 000 enseignant-es ont pris en charge environ 28 000 élèves enfants de soignant-es. Enseignant-es, ATSEM, personnels municipaux, chef-fes d’établisse- ment sont sur le pont et se sont attaché-es en fonction des réalités locales à ouvrir les portes des écoles et collèges en intégrant en particulier les gestes barrières et le nettoyage fréquent des salles de classes au fonctionnement des dispositifs. À titre d’exemple, à Paris, 78 écoles sont restées ouvertes, 17 à Lyon et 5 à Saint-Étienne. Des petits groupes de 10 élèves maximum, selon les règles sanitaires, sont encadrés par roulement par les volontaires. Jeux, aides aux devoirs, travail sur ordinateur, il s’agit avant tout de soutenir l’action de leurs parents et d’assurer à ces élèves une prise en charge quotidienne. Dans les faits, dans la période de démarrage, peu d’élèves fréquentent ce dispositif dont l’organisation est calée par les équipes d’école (voir interview). Les soignant-es savent que le dispositif existe mais font appel à ce stade le plus souvent à d’autres modes de prise en charge, et à plus forte raison lorsque les enfants sont plus âgés et scolarisés en collège. L’accueil a été étendu dans certaines villes aux samedis et aux dimanches, et aux enfants de personnels affectés aux missions et services d’aide sociale à l’enfance (ASE), protection maternelle et infantile (PMI), pouponnières ou maisons d’enfants à caractère social (MECS), services d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) et services de prévention spécialisée. Puis aux enfants des pompièr-es, gendarmes, policier-es et sur- veillant-es pénitentiaires..
Si toutes les précautions possibles sont prises, dans de trop nom- breuses situations les volontaires ne disposent pas de protections sanitaires à la hauteur. L’engagement de l’Éducation nationale comme employeur pour assurer la sécurité des personnels fait généralement défaut. L’administration doit for- muler des consignes claires et faire en sorte qu’elles soient respectées, obligation inscrite dans la loi.
Les fédérations de l’Éducation ont écrit d’une seule voix à Jean-Michel Blanquer. « Nous exigeons que les mesures de protection et d’hygiène soient appliquées, que du matériel (masque, gel hydro alcoolique, ser- viette à usage unique…) soit systé- matiquement fourni dans les écoles, établissements et services. »

Enfants de soignant-es : « Les enseignant-es sont en première ligne »

Jérémy Rousset, directeur d’école à Saint Etienne, nous explique la mise en place de l’accueil des enfants de soignant-es et de personnels d’urgence dans son école maternelle Chappe.

Comment les choses se sont mises en place ?

Jérémy Rousset : École volontaire, nous avons informé le DASEN. Le gros du boulot au départ a été de rassurer les personnels du CHU, des EHPAD, infirmiers libéraux sur l’organisation de l’accueil. Sur dix appels de soignants, un seul va donner suite. Et puis nous avons eu nous-mêmes à élaborer une procédure qui évite les risques de contamination. L’IEN était en appui pour répondre à nos questions. Mais en fait l’administration s’est limitée à relayer les procédures du terrain. L’apport d’un médecin scolaire aurait été utile.

Quelle organisation sur le groupe scolaire ?

J. R. : Nous avons très vite mis en place un système de rotation de personnels, enseignants, ATSEM, en maternelle la première semaine. Cela s’est élargi à l’élémentaire. Nous recevions quatre élèves, en utilisant deux salles de classes le matin, deux autres l’après-midi, pour que les ATSEM assurent le nettoyage adapté à la situation,sur les bases des recommandations de la mairie. Les agents d’entre- tiens sont aussi sur le pont. Utili- sation de matériel personnel, pas d’échanges d’objets entre eux et des espaces de cour séparés pour que les élèves ne se mélangent pas.

Comment rassurer alors ?

Les enseignants sont en première ligne pour rassurer enfants et parents. Compétences professionnelles et intelligence collective nous ont permis d’y parvenir au mieux. Les personnels soignants nous ont manifesté une vraie reconnaissance. Puis cet accueil a été regroupé avec et dans une autre école stéphanoise.

Infimier-es en temps de crise

Conseiller-es techniques et référent-es santé des élèves, des chef- fes d’établissement et de la communauté scolaire (enseignant-es et familles compris), le rôle des infirmier-es de l’Éducation nationale est d’organiser et de sécuriser l’accueil des élèves dans les établissements scolaires.
Depuis l’annonce de l’épidémie, il a d’abord fallu, avant le confinement, faire face aux inquiétudes et aux questions légitimes des élèves et de l’ensemble de la communauté scolaire puis apporter une expertise technique pour organiser l’accueil le plus sécurisé possible. Ces personnels ont tenté de repérer et d’isoler les élèves et les personnels pré- sentant des signes de COVID-19 avec les conditions matérielles insuffisantes que l’on connaît.
Dès la fermeture des établissements , les infirmier-es, membres de droit des CHSCT, ont participé active- ment à l’organisation de l’accueil des enfants des soignant-es. Ils et elles se tiennent à disposition des équipes depuis leur domicile, restent en liai- son avec l’équipe pédagogique, contactent ou se mettent à disposition d’élèves ou de familles.

Une agriculture française à repenser

Les crises de la politique agricole se retrouvent amplifiées par la crise du coronavirus.

Dans le domaine agricole et agroa- limentaire, besoins vitaux des popu- lations, la crise du coronavirus a mis au grand jour notre vulnérabilité face à des chaînes de production mon- dialisées et un commerce interna- tional en flux tendu, qui nous empê- chent de disposer, en cas de choc, de biens de première nécessité.
Alors que certaines organisations comme la FSU ou la confédération paysanne tirent la sonnette d’alarme depuis des années, les pouvoirs publics n’ont pas (ou trop peu) entendu ce message, amplifiant ainsi les effets .
Si le ministre de l’agriculture a lancé un appel vibrant pour pourvoir les 200 000 emplois qui manquent dans l’agriculture pour faire face à la crise, il oublie de préciser que c’est le résul- tat d’un recours abusif aux emplois saisonniers, majoritairement travail- leurs et travailleuses détaché-es aujourd’hui bloqué-es aux frontières par le virus.

Une dépendance aux intrants

La dépendance du modèle agricole dominant aux intrants (engrais, produits phytosanitaires, soja…), principalement importés et tributaires de circuits de transport grippés, a également fragilisé les capacités de production.
De même, en aval de la production, le circuit de la grande distribution, mis en difficulté par cette crise, montre que la concentration de la distribution autour de grandes centrales d’achat rend tout l’édifice fragile. Il en va de même de la transformation des produits agri- coles monopolisée par quelques multinationales de l’agroalimentaire.
Si l’agriculture paysanne et la vente en circuits courts avaient été les modèles dominants en France, la tension sur la production des den- rées alimentaires n’aurait pas été aussi intense.
Lorsque la crise sera passée, il faudra savoir en tirer les leçons. La relocalisation des activités agricoles et la remise en cause du modèle intensif et industrialisé devront permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclen- cher une transition écologique et sociale de ces activités.

La Territoriale à pied d’œuvre

Drès de deux millions d’agent-es travaillent dans les collectivités territoriales, réparti-es dans les mairies, les intercommunalités, les dépar- tements ou les régions. Non sans problèmes en temps de crise.

Limiter au maximum les interactions sociales nécessite de ne faire fonctionner que les services absolument indispensables qui assurent des missions essentielles souvent non délocalisables. Les agent-es qui y travaillent sont en première ligne pour remplir les missions comme les transports, la protection civile, la gestion de l’eau, le ramas- sage des déchets et le nettoyage, l’assistance à domicile des personnes âgées, la protection de l’enfance, les démarches d’état civil, la surveillance des espaces publics…

Abscence de protections individuelles

De nombreuses interrogations demeurent concernant le renforcement du nettoyage des locaux (dans les écoles ou crèches, services des collectivités réquisitionnés), à l’absence de protections individuelles (gants, gel, masques), au niveau des effectifs et au type d’organisation du travail permettant pour chaque mission de protéger les personnels mais aussi de protéger les usager-es.
Ces missions sont en majorité assurées par des agent-es relevant de la catégorie C pas toujours équipé-es du matériel de protection pourtant nécessaire. La situation de crise fait resurgir les inégalités de statut, dans la FPT où l’agent-e peut être fonctionnaire, contractuel-le ou « vacataire ». Le SNUTER-FSU est depuis le début du confinement alerté par des agent-es, notamment du bloc communal, qui s’interrogent sur certaines directives prises par leur employeur et/ou hiérarchie en contradiction avec les consignes de l’État.
En effet, certaines collectivités interprètent les injonctions nationales en imposant aux agent-es des travaux qui ne relèvent pas des tâches essentielles et de travailler en équipe sur des travaux courants, comme les peintures ou la tonte, des permanences dans des services administratifs qui ne ressortent pas des obligations de sécurité publique ou de continuité du service public. D’autres autorisent les agent-es à rester à leur domicile mais leur demandent de déposer des congés annuels, des jours de RTT ou d’utiliser leur CET.
Faire évoluer les services publics
« Aujourd’hui, et dans ce contexte, ce qui prime c’est la solidarité entre les agents, et ce quelle que soit leur situation : en garde d’enfant, en présentiel, en télétravail, en attente d’être mobilisé. Pour maintenir cette solidarité, il est nécessaire que chacun comprenne sa place et la place de l’autre et ce sans aucun jugement. Il est aussi très important que les agents bénéficient des protections nécessaires au bon accomplissement de leur missions, et ce, en toute sécurité !» explique Didier Bourgoin secrétaire national du SNUTER-FSU. Et d’inviter chaque agent-e à contacter le syndicat pour obtenir des réponses et construire collectivement la suite pour faire face aux conséquences en termes d’évolution de services publics qui découleront nécessairement de cette crise sanitaire.

Prison, le service malgré la surcharge

Mobilisé sept jours sur sept pour un travail accru en ce temps de crise, le SNEPAP-FSU, syndicat des personnels pénitentiaires pose la question de la surcharge des établissements carcéraux et de l’alternative à l’incarcération.

Dans l’administration pénitentiaire, les missions de garde et de réinsertion des détenu-es sont reconnues régaliennes et ne peuvent être délé- guées au secteur privé. Le SNEPAP- FSU milite pour que la mission de probation le soit aussi en ce qu’elle touche tout autant aux questions essentielles de la sécurité publique et des droits et libertés.
Surveiller les détenu-es ; prendre en charge, en prison ou en milieu ouvert, les personnes qui leur sont confiées par l’autorité judiciaire ; préparer et accompagner la fin de la peine et lutter contre la récidive : les agent-es pénitentiaires sont essentiel-les à la sécurité publique, au respect des droits fondamentaux de tout-tes les citoyen-nes y compris prévenu-es et condamné-es, mais aussi à l’égalité des droits de tou- tes à s’insérer socialement. Sécurité publique, droits et libertés ne pouvant souffrir d’aucune rupture de continuité, les personnels travaillent à garantir leur effectivité 7 jours sur 7, même en temps de crise, y compris en palliant l’arrêt de l’activité des associations qui assuraient par délégation certaines missions des SPIP.
Le système pénitentiaire s’inscrit dans un projet de société. Personnels, organisations syndicales, penseurs et citoyen-nes sont nombreuses et nombreux à poser comme nécessaire une réflexion collective autour des notions de répression, sanction, éducation et sur les alter- natives à l’incarcération, et pas seulement du fait de la surpopulation carcérale ou de l’état très dégradé des prisons.
La ministre de la Justice a décidé la libération de détenu-es en fin de peine pour freiner la propagation du coronavirus mais aussi diminuer les risques de mutineries de prison- nier-es privé-es de parloirs familiaux du fait de la crise sanitaire. Ces libérations anticipées vont permettre de désengorger les établissements, mais le service sera toujours forte- ment sollicité puisque les personnels d’insertion et de probation des milieux ouverts vont à leur tour en assurer le suivi, et prévenir la récidive.
Ces libérations interpellent sur le
maintien en prison de personnes, dont 31 % sont en attente de juge- ment, autorisé-es à en sortir en temps de crise. Elles rendent aussi crédible l’alternative : oui il est possible de faire autrement.

22 ! voici le covid 19 !

Parmi les fonctionnaires, les policières et policiers sont particulièrement exposé-es aux risques de contamination. Or leur rôle dans le respect du confinement est déterminant, sans que pour autant la délinquance cesse.

Selon les derniers chiffres de la Direction générale de la police nationale (DGPN), plus de 200 fonctionnaires de la police nationale auraient été testé-es positifs-ives au coronavirus fin mars, et plus de 10 131 fonctionnaires seraient confiné-es à leur domicile, soit près de 10 % des effectifs, auxquels s’ajoutent les personnels astreints aux gardes de leurs enfants.

« Les policières et policiers sont inquiets » dit Flavien Benazet, secrétaire général du Snuitam (ministère de l’Intérieur) FSU. En charge du respect du confinement, en contact avec la population, les agent-es, malgré leurs demandes, se voient interdire par le ministère le port de masques et de gants. Le Snuitam n’accepte pas cet oukaze : « Le président Macron et les personnalités qui l’entouraient en Alsace lors de sa dernière venue n’étaient-il pas toutes et tous mas- qué-es ? » remarque Flavien Bena- zet. La raison est très simple : le ministère est incapable de fournir les masques nécessaires. Le droit de grève étant interdit et le droit de retrait strictement encadré, les forces de l’ordre sont largement démunies pour se faire entendre. D’autant que la situation globale est difficile. La crise révèle crûment les inégalités sociales. Le confinement est particulièrement difficile à vivre dans les cités populaires, où les loge- ments sont exigus, et où les familles, notamment les enfants, n’ont pas nécessairement accès à internet ni à un ordinateur. Et les délinquant- es, là comme ailleurs, ne cessent pas pour autant leurs activités. La baisse des effectifs disponibles peut s’avérer catastrophique notamment pour venir en aide aux femmes victimes de violences familiales, dont la situation se dégrade encore en raison du confinement.
C’est pourquoi le Snuitam FSU exige que tous les personnels en contact avec la population soient dotés de moyens de protections (masques, gants…) et des manuels d’utilisations qui vont avec.
Dans leur intérêt et dans celui de la population tout entière, le Snuitam FSU demande qu’un dépistage préventif du Coronavirus soit effectué sur l’ensemble des personnels en priorisant les effectifs intervenants sur la voie publique.

La recherche doit être au premier plan

En tant que scientifiques, les chercheurs et chercheuses sont interpellé-es par cette crise sanitaire, qui n’est pas le résultat du hasard. l’émergence d’un nouveau pathogène humain, comme certains précédents aussi bien humains qu’animaux et végétaux, est un résultat de l’anthropisation de la planète, du dérèglement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, et de la globalisation du système économique libéral.

La diffusion du SARS-CoV-2 est un signal et un avertissement qui doivent interpeller l’ensemble de la société. Cette crise ne pourra pas se conclure par la reprise des activités humaines sur la planète comme si rien ne s’était passé.
Il est urgent de prendre les mesures nécessaires et vitales pour contenir la hausse des températures, l’érosion de la biodiversité et par là même l’érosion des ressources dont dépend l’humanité, en investissant massivement dans la recherche, en particulier au service de l’humanité et de tout ce qui permet son existence, et non aux services du profit. C’est comme cela que doit être envisagée la transition écologique et énergétique.
Et si, en lieu et place d’un appel d’offre ANR exceptionnel, en cours sur le Covid-19 qui occupe les scientifiques à la rédaction de projets et à leur évaluation plutôt qu’à leurs travaux de recherche, on faisait enfin confiance aux scientifiques et on débloquait les financements indispensables à la recherche de solutions pour endiguer le Covid-19 maintenant et sans conditions ?
Pour le SNCS-FSU, cette crise sanitaire majeure doit amener le gouvernement à réaliser l’urgence qu’il y a à investir dans la recherche publique, ce qui n’est pas la ligne du projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) toujours en chantier qui tourne le dos à la nécessité d’explorations scientifiques à long terme en développant de nouveaux statuts de contractuel-les.
Il y a urgence à augmenter le budget de la recherche publique (deux augmentations de 3 milliards d’euros en 2021 et en 2022, puis continuer sa progression jusqu’à 8 milliards d’euros en 2026 et 10 milliards en 2030, pour atteindre 1 % du PIB). C’est par une telle mesure que doit commencer le soutien aux laboratoires nécessaires pour affronter le coronavirus actuel et les prochains pathogènes encore inconnus, mais aussi à l’ensemble de la recherche fondamentale indispensable dans tous les domaines scientifiques. Or le président Emmanuel Macron a annoncé le 19 mars 2020 une augmentation du budget de la recherche de 5 milliards d’euros sur 10 ans, très insuffisante car elle placerait le budget de la recherche publique sur une trajectoire atteignant moins de 0,85 % du PIB en 2030.
Investir dans la recherche publique est la seule réponse concevable pour mieux comprendre, anticiper et pré- venir des crises sanitaires (pathogènes, contaminants chimiques, antibiorésistance…), climatiques, environnementales et sociétales de demain.
Ce nouvel élan ne peut évidemment reposer que sur des personnels titulaires recrutés en nombre suffisant et avec les moyens de travailler. Il y a urgence à stabiliser les personnels précaires de la recherche sans qui la science serait en grande difficulté, en créant les emplois statutaires nécessaires.
Investir massivement dans la santé, l’Éducation et la recherche publiques est un fondement à mettre en avant à l’issue de cette crise sanitaire majeure.

Le travail et l’emploi en temps de crise

La crise sanitaire percute de plein fouet le monde du travail et révèle, comme dans bien d’autres secteurs, que l’existence d’un service public du travail et de l’emploi permet d’en amortir les conséquences. les services sont notamment saturés par le traitement des demandes
de mise en chômage partiel.

Les agent-es des services déconcentrés du ministère du Travail (Directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), de Pôle emploi, des Missions Locales et organismes de placement spécialisés des personnes en situation de han- dicap, assurent toutes et tous la continuité de leurs missions.
Parmi celles-ci, celle liée “à la sécurité financière des personnes privé- es d’emploi est essentielle. Tout comme l’est la mission de contrôle du respect du droit du travail. « Ce droit, qui a pour fonction de contre- balancer le pouvoir de subordination de l’employeur sur le ou la salarié-e, fixe des règles protectrices des salarié-es, par exemple en termes de temps de travail ou de normes de sécurité » rappelle le SNUTEFE- FSU. Leur effectivité est un enjeu fort pour les travailleurs et travail- leuses, particulièrement dans la période actuelle. Si l’indépendance fonctionnelle des agent-es du ser- vice de l’inspection du travail est capitale, elle l’est plus encore en temps de crise économique ou sanitaire qui favorise le recours à des mesures dérogatoires au droit commun, sous l’aphorisme « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ».
Au-delà des questions liées aux modalités de prise en charge collective des pertes de revenus des travailleurs et travailleuses qui vont voir leur activité professionnelle stoppée ou fortement ralentie, au-delà même de la nécessaire attention qui devra être portée au respect des droits acquis par les salarié-es, le service public du travail et de l’emploi aura sans doute un rôle essentiel à jouer dans la définition collective d’une nouvelle relation au travail, plus socialement et écologiquement juste

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Tribune : « Préparons le jour d’après »

Préparer « le jour d’après en rupture avec les politiques menées jusque-là »

Demain ne sera plus comme hier. 18 responsables de syndicats, et d’associations appellent à préparer « le jour d’après (…) en rupture avec les politiques menées jusque-là ». Voici le texte de cette tribune signée notamment par Philippe Martinez (CGT), Benoît Teste (FSU), Aurélie Trouvé (Attac), Cécile Duflot (Oxfam) ou Katia Dubreuil (Syndicat de la magistrature).

Demain ne sera plus comme hier

Le constat des signataires est sans appel : « En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a ré- duit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales ».
Les signataires notent l’appel d’Emmanuel Macron à « des « décisions de rupture » et à placer « des services […] en dehors des lois du marché ». Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l’alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques » et cela « en France et dans le monde ». Et notamment, ne pas aller plus loin dans la régression sociale « ainsi que le fait craindre le texte de loi d’urgence sanitaire ».
Après avoir souligné la priorité, notamment sur les considérations économiques, qui doit être donné à la protection sanitaire des populations et des personnels de santé, l’appel souligne la nécessité de pallier « la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé » aussi bien en terme de lits, de personnels que de matériels. « Pour freiner la pandémie, le monde du travail doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des salarié·e·s respecté. »

Mesures économiques et sociales

Les signataires demandent que la réponse financière de l’État soit d’abord soucieuse des « salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur d’activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du personnel ».
Pour éviter une très grave crise sociale, il faut pendant cette période « interdire tous les licenciements », « le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises ». Il faut également « désarmer les marchés financiers » par le « contrôle des capitaux », « l’interdiction des opérations les plus spéculatives », « un contrôle social des banques ». Les aides aux entreprises doivent toucher en priorité celles « en difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME ».
Les différences de conditions, d’âge et de santé impliquent des « mesures supplémentaires au nom de la justice sociale » dont la réquisition des logements vacants pour les sans- abris et les mal logés, le rétablissement des aides, le moratoire sur les factures impayées pour les plus démunis.
« Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger les femmes et enfants victimes de violences familiales » souligne encore le texte.

Mesures financières

La BCE qui « a annoncé une nouvelle injection de 750 mil- liards d’euros sur les marchés financiers » doit, avec les banques publiques, « prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes publiques »  qui vont « fortement augmenter à la suite de la crise du coronavirus ». Elles ne doivent pas « être à l’origine de spéculations sur les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire, comme ce fut le cas après 2008 ». Dans cet objectif, il faut lutter « efficace- ment contre l’évasion fiscale » et « une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive ». Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises « doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique : maintien de l’emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place d’un plan contraignant de respect des accords de Paris… »

Réorienter les systèmes productifs

Par ces interventions massives dans l’économie, « l’occasion nous est donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en me- sure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques ». Il ne s’agit pas de relancer l’ancienne économie, mais de « soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités les plus polluantes et  climaticides,  d’opérer un vaste partage des richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais ».
Dans la même logique, « des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes… » Cette crise « révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de pro- duction et d’enclencher une transition écologique et sociale des activités ». 

Solidarité et coopération internationales

Et cela sans « repli sur soi » ni « nationalisme égoïste ». Nous avons besoin « d’une régulation internationale re- fondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d’instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néo- libérale et les tentatives hégémoniques des États les plus puissants » alors que « la solidarité inter- nationale et la coopération sont en panne ». Notamment en Europe où les pays « ont été incapables de conduire une stratégie commune ». Il convient de mettre en place « un budget européen bien plus conséquent que celui annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé sont les plus vulnérables, notamment en Afrique ».

“Plus jamais ça”

Tout en « respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise ».

« Plus jamais ça !» lancent les signataires. « Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre « jour d’après ». Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral ».