Compte rendu de l’audience Ministère Blanquer du 3 mars 2022

Visite du ministre Blanquer à Poitiers : la FSU porte l’exaspération et les demandes de la profession

En introduction :

La FSU a accepté de participer à cette audience avec deux conseiller-es du ministre Blanquer, sans enthousiasme ni illusion; car celle-ci n’apportera très probablement aucune réponse et n’entraînera aucune évolution de la situation. Cependant, en tant que première organisation représentative des personnels, il lui incombe de porter la voix des collègues et de porter leur colère contre les 5 ans de politique éducative Macron-Blanquer. Notre délégation a donc rencontré Théo TEDESCHI conseiller en charge des discours et Amel COGARD conseillère en charge de la culture, de la mémoire et des projets éducatifs.

Cette audience a eu pour objectif de porter la réalité du terrain aux représentant-es du ministre Blanquer, afin que ce dernier ne puisse plus dire que sa politique est soutenue par les personnels. La politique éducative menée depuis 5 ans est rejetée par l’ensemble de nos professions – comme en témoigne la mobilisation historique du 13 janvier, avec un arc syndical total et qui a vu dans la Vienne plus de 75% des PE en grève avec, à leurs côtés, des personnels d’encadrement, des parents d’élèves etc.

Aujourd’hui, la souffrance des personnels est réelle (des directeurs en arrêt, des collègues épuisés) alors que le ministère poursuit ses demandes (Phare, évaluations nationales, PLE en lycée, auto-évaluation en école et établissements, plan sciences bientôt …). Pour la FSU, il est urgent d’arrêter toutes ces sollicitations et de laisser les équipes travailler sereinement et reconstruire du collectif.

Au lieu de continuer à épuiser les personnels, le Ministère doit assumer ses obligations d’employeur en donnant les moyens d’accompagner psychologiquement les personnels, élèves et familles marqués par la crise.

Aussi, quels recrutements de médecins, infirmier-es et psy EN sont prévus ? Cette question est d’autant plus prégnante dans notre académique que nous n’avons plus de médecin de prévention depuis plus d’un an et demi et qu’il y a par exemple plus d’une vingtaine de postes Psy EN non pourvus par des titulaires.

Au-delà du contexte général, trois sujets ont été abordés de manière spécifique à cette audience.

Les raisons de la colère dans le 1er degré

Temps partiels,

Le département de la Vienne est déficitaire en nombre d’enseignant-es qui amène l’administration à toujours plus refuser les demandes de temps partiel des collègues.

Pourtant, il ne s’agit de temps partiels de confort comme on a pu le lire et assumer une perte financière n’est jamais réalisée par choix. D’abord, notre département est majoritairement à 4 jours et demi alors que le reste de la France est à 4 jours. Les collègues sont donc contraints de se payer une coupure dans la semaine pour souffler un peu et surtout travailler et préparer les cours afin de ne pas y passer toutes les soirées et week-end. Cette difficulté lié à un exercice professionnel continue sur l’ensemble de la semaine est de plus en plus amplifié par le manque de remplaçant dans le département (le plus faible taux de l’académie), obligeant les collègues à compenser sans cesse les absences des collègues en accueillant plus d’élèves dans leurs classes et ne leurs permettant pas de bénéficier de formation continue à l’offre sur temps de classe

De plus, notre département est celui qui, dans l’académie, voit les carrières les plus longues. Faute d’aménagement de fin de carrière que nous demandons, les temps partiels doivent être octroyés à la demande pour permettre aux collègues de finir leur carrière plus sereinement et prendre en compte les conditions d’exercice : dans le bruit avec du mobilier peu adapté etc…

La FSU demande au ministère d’intervenir auprès du rectorat de Poitiers pour que toutes les demandes de temps partiels, de droit comme sur autorisation, soient acceptés sans condition.

Mouvement 1er D :

La FSU a dénoncé les conditions du mouvement 2022 des personnels qui s’annonce sclérosé. 

Phase informatisée : Au vu de la réforme de la formation initiale avec plus de 50 PES prévu-es l’année prochaine, l’administration pourrait bloquer autant de postes au mouvement (contre 30 l’année dernière). A ceci, s’ajoutent les mesures de carte scolaire suite aux fermetures et donc les priorités de nomination.

Ces conditions vont donc réduire inévitablement les possibilités de muter ou alors, uniquement en éducation prioritaire et sur des directions.

Phase d’ajustement : L’augmentation du nombre d’étudiant-es en responsabilité de classe à 1/3, les STAR, passant de 45 annoncé-es contre moins de 20 cette année, va certainement amener l’administration à bloquer des compléments lors de la phase de nomination d’office (décharge de direction, complément de temps partiels…) ce qui pourra impacter les demandes de priorité d’affectation, les compositions des PFTD…

La réforme Blanquer de la formation initiale impacte donc directement le quotidien des collègues et dégrade un peu plus les mobilités possibles dans le département.

La FSU demande à ce que les mises en stage soient opérées en surnuméraire afin d’améliorer les conditions de formation et de ne pas bloquer le mouvement des personnels titulaires.

Moyens 1er D pour la Vienne

Comme depuis plusieurs années, les moyens donnés à la Vienne sont insuffisants et notamment du fait d’une répartition au sein de l’académie plus politique que respectueuse des besoins. Encore cette année, alors que la Vienne ait largement le plus de besoins de postes pour appliquer les priorités ministérielles (dédoublement en éducation prio, la limitation à 24 en GS/CP/CE1 et l’augmentation des décharges de direction, ou encore les moyens d’accompagnement à mettre en place pour suivre et former les stagiaires à plein temps) la dotation a été équivalente dans les 4 départements de l’académie. Résultat, alors que les autres départements ont déjà rempli les objectifs ministériels, la Vienne en est encore loin, et cela malgré de nombreuses fermetures dans le rural qui continuent toujours à mobiliser, médiatiquement et physiquement, élues et parents comme lundi dernier, alors que cela fait plus d’1 mois que les décisions sont prises. Alors que ce gouvernement pouvait espérer la paix éducative sur les territoires en affichant ne pas supprimer de postes, la répartition des moyens au sein du rectorat ensuite, créent colère et ressenti partout sur notre territoire.

C’est pour cela que la FSU demande une dotation de 15 postes supplémentaires pour la Vienne pris sur la réserve ministérielle.

Les raisons de la colère dans le 2nd degré

Réforme du lycée et du bac/ Parcoursup

1) La pauvreté des DGH, dans un budget d’austérité, conduit à la fermeture année après année des options facultatives, fermeture particulièrement préjudiciable aux options technologiques et séries technologiques industrielles par exemple, aux LVC; ce qui équivaut aussi à un appauvrissement de la carte des formations,

mise en concurrence des spécialités qui pourrait ruiner l’ambition d’une cohérence du parcours élève et qui entame déjà le collectif de travail enseignant.

2) Ce qui a été présenté comme une liberté pour l’élève se révèle un piège à un double titre :

– creusement des inégalités sociales et genrées bien sûr; autrement dit, assignation de l’élève à un destin

– recul des enseignements scientifiques et des mathématiques en particulier , recul plus marqué encore dans notre académie. Ainsi en Première générale , 60% environ des élèves de la voie générale font des mathématiques en spécialité ; soit plusieurs points en dessous de la moyenne en France, davantage encore par rapport aux établissements privés de l’académie de Poitiers. Même configuration en Terminale avec tout juste 37 % des élèves qui ont gardé la spécialité math.( 41 % au niveau national)

14 % des élèves de notre académie seulement choisissent la doublette math/Physiques quand c’est 20 % environ au niveau national !

Le piège de Parcoursup se referme alors sur les élèves qui par ex voudraient entamer des études d’économie sans avoir gardé un enseignement de mathématiques, spécialité ou optionnel.

Or notre académie est déjà à la traîne en matière d’ambition sur le Supérieur ( elle est toujours la dernière académie de métropole en matière d’ambition des élèves pour le Supérieur) :

– il faut donc préserver, fortifier les formations existantes quand tout les déstabilise: ainsi on veillera à maintenir l’intégralité des 4 parcours CPGE ECG quand le changement d’établissement qui se fera à la rentrée 2022 risque de perturber le vivier de recrutement; même remarque sur les BTS: il faut y maintenir les moyens , même si des abandons d’élèves se produisent, abandons qui peuvent être l’effet purement conjoncturel de la crise sanitaire.

– tout l’édifice aujourd’hui est fondé sur l’orientation, la maturation lente du projet de l’élève ; or nous manquons de PsyEn et nous manquons de temps en tant qu’enseignants pour accompagner les élèves dans ce parcours.

Ressources humaines :

Nous avons déploré le traitement “éclair”de la question de l’égalité professionnelle dans notre académie ; une esquisse de réflexion a eu lieu qui mérite d’être considérablement et durablement étoffée. Parce qu’au regard de notre expérience des promotions ( classe exceptionnelle par exemple) la tâche est conséquente dans notre académie pour arriver à cette égalité.

Nous avons dit nos craintes de voir le droit à la mobilité des personnels être entamé par l ‘affectation des stagiaires à 18H : dans certaines disciplines le mouvement sera sclérosé.

Nous avons une fois encore dénoncé l’effet désastreux du poids des HSA qui conduit à une multiplication des compléments de service sur des établissements parfois très éloignés, dans une académie très rurale= fatigue, incompréhension des personnels devant l’absurdité de certaines situations, impossibilité de s’investir dans des projets pour des collègues qui passent leur temps sur la route…

Enfin, nous avons souligné le gros retard dans notre académie de la campagne PPCR : ce retard qui tient à des retards accumulés depuis l’intra 2021, plaide pour un retour des CAPA. Par ailleurs, les collègues ne peuvent comprendre la sévérité des appréciations qui leur sont signifiées. Il faut absolument déconnecter le RDV de carrière et l’avancement !

Les raisons de la colère concernant la Formation Des Enseignant-es

Cette année de réforme est très compliquée pour les collègues : rappelons que c’est une réforme à laquelle les personnels n’adhèrent pas. On retiendra que le dossier d’accréditation a été voté au CI de l’INSPE à 9 voix contre, 12 voix pour, c’est-à-dire avec les voix de l’administration et des extérieurs – aucune voix des élus enseignants et usagers. La réforme de la formation des enseignants se fait contre les personnels et usagers, et crée toutes sortes de tensions – ce que les personnels de l’INSPE de Poitiers ont clairement exprimé par plusieurs alertes portées au registre SST. A Poitiers, comme ailleurs (voir CHSCT du MESRI de juillet), les personnels se sentent maltraités, épuisés, face à une perte de sens de leur travail.

La multiplication des profils de stagiaires et les diverses contraintes faites à la formation entraînent une surcharge pour les tuteurs, un blocage du mouvement des titulaires, mais aussi un empêchement à construire la cohérence de la formation : on subit un émiettement des contenus imposé par un référentiel loin des réalités et des modalités de fonctionnement de l’université, et des injonctions intenables sur la composition des équipes (pas de stabilité, pas de prise en compte des compétences des intervenants, effet bouche-trou, juxtaposition des contenus)… Cette réforme entraîne aussi une forme de mise en “concurrence” des étudiants face aux stages : non seulement ils sont sélectionnés en amont, mais ensuite se retrouvent dans un petit nombre de classes alors que les attentes sont différentes. Concrètement, les SPA M2 par exemple peuvent être empêchés de prendre la classe (et quelquefois cela impacte leur mémoire) parce que sur la période le tuteur accueille aussi des étudiants M1, doit dégager du temps pour le suivi des stagiaires lauréats…

Une urgence pour pouvoir préparer l’année prochaine :

Quel modèle économique pour la formation des lauréats des concours ? Il n’est pas possible de mutualiser ces temps de formation dans les UE de master MEEF destinés aux étudiants non admis (pour lesquels une partie de la formation vise aussi à préparer le concours). Il faut des moyens pour constituer des groupes et assurer une formation qui réponde aux enjeux et aux besoins, dans un vrai continuum pour les ex MEEF (donc mutualisation impossible) et pour une formation et un accompagnement solides à l’entrée dans le métier pour les non MEEF à mi-temps – pour eux les maquettes spécifiques ne peuvent être maintenues sans qu’elles soient financées.

La FSU demande  

  • de privilégier l’aspect formateur du stage et la progressivité de l’entrée dans le métier plutôt que la mise en responsabilité à tout prix et dans n’importe quel contexte d’étudiants seuls en classe : il faut protéger les étudiants et stagiaires (choix des berceaux), les mettre en surnombre au moins sur une partie de leur stage, mieux prendre en charge les frais de déplacement… les soutenir dans leur choix d’études et de professionnalisation !
  • de construire un modèle économique pour la formation des stagiaires post concours : aligner tous les lauréats issus de MEEF sur 20 jours de formation sur temps de service, se donner les moyens d’un plan de formation spécifique à l’université qui ne soit pas réduit à l’adaptation immédiate à l’emploi – pour cela définir les conditions d’intervention des enseignants de l’université dans la formation continue. Pour les stagiaires mi-temps, assurer le financement de la formation.
  • de construire un modèle économique pour le fonctionnement des équipes plurielles : du temps pour travailler, la reconnaissance du travail des collègues en service partagé ou “mis à disposition”, qui prenne en compte le temps de préparation et valorise la participation à des projets de recherche.

Il faut changer de méthode : cadrer ce qui doit l’être pour protéger les personnels, les étudiants, le service public d’éducation… et donner la main aux équipes pour faire ce qu’elles savent faire avec les moyens nécessaires : concevoir et mettre en œuvre des plans de formation. Il est temps de reconnaître que cette réforme est mauvaise et ne permet pas d’atteindre les objectifs annoncés de réduction des inégalités sur le territoire, et d’amélioration de la formation et de l’attractivité des métiers de l’éducation.

Vos représentant-es FSU

M. Coret, C. Fontaine et G. Tabourdeau