Monsieur le Recteur
Mesdames, messieurs les membres du CTA

Les annonces gouvernementales, tant sur la fonction publique que sur l’éducation nationale nous donnent de multiples raisons d’être en colère.
Les projets de réformes qui s’abattent sur le système éducatif sont si brutaux que sont mis en péril les principes qui ancrent l’école dans la république. L’architecture du nouvel édifice correspond à des logiques largement calquées sur les modèles anglo-saxons dans lesquels l’enseignement public est noyé dans un vaste marché éducatif.
La nouvelle organisation du lycée général et technologique, avec entre autres la disparition des séries générales à la rentrée 2019, laisse aussi présager des retraits de moyens considérables. Elle entrainera inévitablement des suppressions de postes. Outre la baisse des horaires disciplinaires, la carte des enseignements de spécialité pour le cycle terminal sera déterminante tant pour assurer la diversité des formations sur tout le territoire que pour stabiliser les moyens et les équipes pédagogiques. L’annonce de l’application des nouveaux programmes, la même année, en 2de et 1ère témoigne d’une méconnaissance du travail réel des enseignants. La leçon des erreurs de la réforme du collège sur ce point n’a pas été entendue, à moins que les difficultés auxquelles elles ont soumis les enseignants n’intéressent pas le ministre…
La suppression des enseignements d’exploration EPS en 2nde et des options de compléments en 1ère et terminale, couplée au refus de proposer l’EPS comme enseignement de spécialité, au prétexte de choix d’orientation trop contraints, ne sont pas acceptables. L’EPS, voie singulière de réussite scolaire, est particulièrement importante pour les nombreux jeunes qui projettent de s’orienter en STAPS. Ils seront immanquablement confrontés à la logique des pré-requis, dont font partie la formation et la pratique sportive développée durant leur parcours. Il y a donc là une incohérence que nous dénonçons. C’est pourquoi nous serons particulièrement attentifs au maintien de toutes les options facultatives EPS et à leur développement équilibré sur le territoire. A ce titre, Monsieur le Recteur, les arbitrages que vous prendrez sur le pilotage de cette carte des enseignements de spécialité seront déterminants.
Le baccalauréat, réformé suivant la prescription présidentielle, se complexifie et deviendra un diplôme d’établissement, de moindre valeur.
Le ministre annonce la fusion des académies dans un calendrier resserré, notre académie serait directement touchées. Des mutualisations dans les services administratifs seraient opérées entre les services actuels des différentes académies, avec comme principaux objectifs la réduction des coûts budgétaires et des suppressions d’emplois. Elles conduiraient à une dégradation des conditions de travail de tous les personnels et à des mutations fonctionnelles ou géographiques contraintes, à l’image de ce qui s’est passé dans les autres services de l’Etat dans le cadre de la réforme territoriale. Cette régionalisation de l’éducation ne peut mener qu’à davantage d’inégalités dans l’accès des jeunes aux qualifications.
Nous tenons aussi à rappeler combien nous sommes attachés au paritarisme puisque c’est le cadre démocratique qui permet aux représentants des personnels élus au suffrage universel direct d’examiner les décisions individuelles relatives à la carrière des personnels. Le gouvernement commet une grave erreur, en envisageant la modification du rôle des commissions administratives paritaires qui ne seraient plus réunies préalablement à l’étude des situations individuelles lors des opérations de gestion de carrière et qui ne traiteraient que des cas d’appels.
Dans le 1er degré, c’est le vieux remède du recentrage sur les fondamentaux qui est à l’œuvre pour former les professeurs des écoles. Supposant que les enseignants auraient oublié d’apprendre à lire, écrire, compter, on va en faire l’alpha et l’omega de la formation. Une fois de plus, on se trompe de cible car s’il est indispensable de maitriser les contenus, il l’est tout autant d’interroger gestes et pratiques professionnels, seuls à même de réduire les inégalités chez les élèves. Une formation didactique de qualité constitue aussi un enjeu d’attractivité du métier.
En ce qui concerne l’enseignement professionnel, nous dénonçons la destruction annoncée de l’enseignement professionnel sous statut scolaire afin de répondre aux exigences du MEDEF et des branches professionnelles. La « réforme  » de la voie professionnelle annoncée par le ministre le 28 mai 2018 à grand renfort de superlatifs est l’aboutissement d’une politique de régression du service public d’éducation dont sont particulièrement victimes les élèves les plus fragiles de notre système éducatif. La diminution drastique notamment des heures d’enseignement général se fera au seul profit de la préparation à « l’employabilité » immédiate réclamée par le patronat. L’organisation de la classe de seconde par famille de métiers réduit en réalité le bac pro à 2 ans afin de faire coller l’enseignement professionnel à l’apprentissage, vieux rêve du MEDEF. Le ministre l’a d’ailleurs clairement énoncé en présentant sa réforme : « Il y aura plus d’apprentissage en lycée professionnel. » Réduire les heures d’enseignement général et s’en remettre au patronat pour résoudre les problèmes de formation est d’une grande dangerosité pour l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. Après 2019, cette « réforme » de l’enseignement professionnel va entrainer la suppression de près de 5000 postes. Nous tenons aujourd’hui à dire solennellement que nous nous opposons avec force à cette « réforme ».
Nous apprenons que plusieurs programmes de collège seront renouvelés et publiés pendant l’été pour une application en septembre. Le mépris de ce ministère pour les enseignants n’aura donc pas de borne !
Concernant l’orientation, nous sommes très attachés à une conception éducative qui fasse le pari des possibilités de développement et de réussite de tous les élèves. Ceci suppose que l’orientation scolaire reste de la responsabilité de l’éducation nationale et que les Psychologues de l’Éducation Nationale puissent y apporter leur regard spécifique et toutes leurs connaissances du développement des adolescents, des structures de formation et des métiers. Nous dénonçons le projet de loi sur la formation professionnelle qui entraine le transfert aux régions des DRONISEP et la fin des CIO avec affectations des personnels en établissements.
Le ministère publie régulièrement des statistiques élogieuses concernant Parcoursup, mais il masque les véritables problèmes posés par ce dispositif. Lorsque les élèves ont une réponse positive rien ne garantit que cette réponse concerne leurs voeux prioritaires. Les élèves des séries technologiques et professionnelles concentrent les réponses négatives, les élèves issus des lycées les moins prestigieux semblent défavorisés. C’est un dispositif opaque et anxiogène qui fait l’impasse sur le problème principal, l’insuffisance du nombre de places dans l’enseignement supérieur.
Seul le service public peut garantir l’intérêt général. Remettre en cause ce principe constitue un risque majeur. L’éducation est un enjeu fort pour l’avenir de notre société. Cela implique une politique déterminée avec des objectifs de réussite pour tous les élèves et un investissement en conséquence pour l’école et l’avenir de la jeunesse.