Dossier : Une éducation toujours prioritaire ?

«La mixité n’est pas une fin en soi, il faut ensuite donner les moyens aux enseignants d’être capables de gérer l’hétérogénéité des élèves»

DOSSIER RÉALISÉ PAR FRANCIS BARBE, PIERRE MAGNETTO, PHILIPPE MIQUEL, VIRGINIE SOLUNTO

Un récent rapport du Cnesco interroge sur l’efficacité des politiques d’éducation prioritaire dans une école où persistent les inégalités. Depuis deux ans, la réforme de l’EP se met en place avec le « maître plus », la scolarisation des moins de 3 ans et la pondération, dispositifs demandés par le SNUippFSU. Mais les moyens prévus ne sont pas tout à fait au rendez-vous.

Le désastre scolaire», «Inégalités à l’école de la République, stop ou encore ? »… Rendu public le 27 septembre dernier, le rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), «Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? », aura suscité un véritable emballement médiatique. Les médias en ont conclu que l’éducation prioritaire serait en échec. Le texte, lui, préconise des mesures volontaristes pour réduire les inégalités scolaires. (lire p14). Il est vrai que l’école est loin de tenir toutes ses promesses. Selon PISA, la France est la championne des inégalités scolaires. L’écart entre les « bons » élèves et les «faibles» qui sont aussi ceux qui souffrent le plus des inégalités sociales, n’a jamais été aussi grand. Les évaluations nationales montrent que trop d’élèves arrivent en 6e sans maîtriser les savoirs fondamentaux et que leurs difficultés s’aggravent au collège. Environ 130000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification. Mais pour autant, faut-il se laisser aller au pessimisme ambiant?

En fait, il n’y a pas vraiment de scoop dans le rapport du Cnesco. Ses conclusions étaient présentes dans des études déjà connues de longue date: une école inégalitaire, un empilement de réformes jamais évaluées, un pilotage peu cohérent, un investissement insuffisant dans le domaine de la formation initiale et continue, dans l’aide et l’accompagnement des enseignants, une incapacité à lutter contre les inégalités sociales ou encore une ségrégation scolaire marquée. Les effectifs par classe sont pointés. Ils ne cessent d’augmenter, l’écart avec les écoles ordinaires s’étant considérablement réduit. Pour la sociologue Nathalie Mons qui pré- side le Cnesco, le rapport insiste surtout «sur le fait que les ressources de l’éducation prioritaire doivent continuer à irriguer les contextes scolaires difficiles mais qu’à l’avenir, d’autres politiques doivent être développées en parallèle, comme la déségrégation des établissements les plus difficiles» (lire « Les recommandations du CNESCO« ).

Investir le temps de pondération

Dans les REP et REP+, la réforme se met en oeuvre. Le plus de maîtres que de classes, la scolarisation des moins de trois ans, l’allègement du temps de service devant élèves, des dispositifs que le SNUipp-FSU réclamait depuis longtemps. Mais après deux années d’application de la réforme, les failles du système se font jour, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous et pour les moyens pré- vus par la loi le compte n’y est pas. «On a compris qu’il ne suffit pas de mettre un maître en plus pour qu’il se passe des choses. Ce n’est pas le ‘maître plus’ tout seul qui est le moteur mais la mobilisation collective qui va rendre le travail des réseaux plus efficace», estime Patrick Picard, directeur du centre Alain Savary à l’Ifé (lire p16). Quand de telles conditions sont réunies, ça peut marcher en effet. L’école Jules Ferry à Blois dans le Loir-et-Cher en témoigne, comme elle témoigne du fait que les situations peuvent être très disparates d’un territoire à l’autre. Dans cette école en REP+, l’équipe a su investir le temps de pondération et la présence du maître surnuméraire pour élaborer un travail collectif, dynamiser ses enseignements. Les enseignants en parlent avec enthousiasme. «Le maître + c’est la vraie bonne idée du système car cela permet de travailler de toutes les manières possibles, de stimuler les enfants. Après deux ans on constate que le climat de travail est apaisé et que l’enfant devient plus élève», constate un enseignant de l’école.

La question de la mixité sociale

Pondération, moins de trois ans, plus de maîtres, l’enquête menée par le syndicat auprès d’enseignants en REP+ montre que quand ils ont la main sur ces outils, ils en sont globalement satisfaits (lire p13). Mais les écoles classées en éducation prioritaire ne concentrent pas toute la difficulté scolaire, alors pourquoi ne pas généraliser le système, en commençant par les écoles hors REP, confrontées elles aussi à la difficulté ? C’est aussi ce que demande le syndicat. Mais, la refondation de l’éducation prioritaire peutelle suffire à relancer la machine? Si l’école a du mal à lutter contre les déterminismes, il faut aussi constater que dans les quartiers dits sensibles, souvent ghettoïsés, son environnement ne l’y aide pas. «Il faut agir simultanément sur la question pédagogique et sur celle de la mixité sociale», explique la sociologue Agnès Van Zanten en soulignant que la mixité «n’est pas une fin en soi» et qu’il «faut ensuite donner les moyens aux enseignants d’être capables de gérer l’hétérogénéité des élèves»

L’école ne peut pas tout toute seule

L’expérience de la mixité, c’est ce que cherche l’école maternelle Jules Ferry à Montpellier. La mobilisation des habitants du Petit Bard et des partenaires de l’école a conduit à une accélération de la rénovation urbaine de ce quartier «Politique de la ville.» La mixité qui se fait jour est aussi le fruit d’un début de reconquête de la confiance des familles qui arrivent dans le secteur, celles qui pourraient user de stratégies de contournement de la carte scolaire. «On leur fait visiter l’école, rencontrer les enseignants, passer une journée en classe. Ils mettent leurs enfants chez nous en toute connaissance de cause », explique Myriam Bouchet, la directrice. Mais, fait-elle remarquer, « tout cela reste fragile. Il faudrait maintenant accélérer sur tout ce qui touche à la rénovation urbaine, au désenclavement et à la politique de l’emploi» (lire p16). Et en effet, l’école peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout, pas toute seule.

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Miser sur l’expertise des enseignants, favoriser la prévention et la mixité sociale, un récent rapport du Cnesco invite à prendre des mesures volontaristes pour réduire les inégalités scolaires.

Dans son rapport «Comment l’école amplifiet-elle les inégalités?» publié en septembre, le Cnesco porte un regard sans concession sur l’échec du système éducatif français à réduire les inégalités. Inégalités de résultats, iné- galités d’orientation, inégalités d’accès au diplôme et inégalités d’insertion professionnelle: au-delà des constats, très documentés, les rapporteurs proposent plusieurs recommandations. Rompre d’abord avec « une logique de réformes à répétition et miser sur l’expertise des acteurs de terrain», en développant des expérimentations sur les pratiques pédagogiques efficaces autour des difficultés repérées chez les élèves du primaire. Relancer aussi la formation continue, avec un effort important en direction des premières années de la scolarité.

Une approche tournée vers la prévention

Le rapport suggère aussi d’agir en amont des difficultés, de «mobiliser la prévention dès les premiers apprentissages» en développant la scolarisation des tout-petits tout en «leur proposant des conditions d’apprentissage adaptées». Dans les écoles, certains enseignants formés spécifiquement sur la didactique des disciplines, aux difficultés d’apprentissage et outillés en matériaux pédagogiques adaptés, pourraient être « sédentarisés » pour des interventions significatives. Une manière d’appeler à la généralisation des maîtres supplémentaires. Mais il faut aussi en finir avec les inégalités de traitement. Le rapport appelle ainsi au développement d’une politique nationale volontariste pour prévenir et réduire significativement la ségrégation sociale et scolaire. Enfin, le Cnesco invite à reconnaître l’enfant, derrière l’élève, en prenant en compte les différentes dimensions de sa vie: l’enseignement, mais aussi le climat scolaire et les conditions matérielles des plus démunis. Autant d’actions « à conduire d’urgence car les élèves en difficulté ne peuvent attendre, mais dans un cadre d’évolution de long terme, car les apprentissages se construisent dans la durée» concluent les rapporteurs.

Nathalie Mons, présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco)

Ce rapport remet-il en cause l’EP et le travail des enseignants ?

Le rapport ne vise aucunement le travail des enseignants très engagés mais il analyse les politiques scolaires. Il détaille le climat scolaire difficile dans lequel vivent les élèves et les enseignants dans les établissements de l’éducation prioritaire. Le rapport montre que les réformes à répétition de l’éducation prioritaire avec leur empilement de dispositifs jamais évalués n’ont pas permis sur les 35 dernières années de lutter efficacement contre les inégalités à l’école. Il insiste sur le fait que les ressources de l’éducation prioritaire doivent continuer à irriguer ces contextes scolaires difficiles mais qu’à l’avenir, d’autres politiques doivent être développées en parallèle, comme la déségrégation des établissements les plus difficiles ou encore un nouveau modèle d’allocation des ressources budgétaires pour améliorer l’efficacité pédagogique des moyens investis.

Que font les autres pays d’Europe que la France ne fait pas ?

Durant les 30 dernières années, les pays qui font réussir les élèves les plus défavorisés socialement sont passés d’une logique de remédiation (aider les élèves en difficulté une fois qu’ils ont accumulé des retards) à une logique de prévention de la difficulté scolaire (formation continue des enseignants à la difficulté scolaire dans les disciplines fondamentales, intervention de maîtres surnuméraires formés à la didactique directement dans les classes…). Les classes ségrégatives au collège ont reculé. Dans le cadre de la loi de Refondation des premières mesures allant dans le sens de cette pré- vention ont été prises en France (PDMQDC…) et devront être appliquées de façon volontariste.

La récente réforme de l’EP a-t-elle fait les bons choix ?

La relance de l’éducation prioritaire en 2014 a été plus efficace que les plans des années précédentes, parce qu’on s’est résolument centré sur le pédagogique. Le rapport pré- cise qu’il y a eu une démarche très volontariste de mise en œuvre, la première année, notamment la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, un réseau de formateurs… La seconde année par contre, dans de nombreuses académies les efforts se sont portés davantage vers la réforme du collège que vers l’éducation prioritaire. Le primaire a davantage poursuivi une mise en œuvre de qualité.

À l’école Jules Ferry de Blois, l’équipe enseignante a investi allègement de service et maître surnuméraire pour dynamiser ses enseignements au service de la réussite des élèves. Encore difficile cependant d’en évaluer les résultats.

L’école Jules Ferry à Blois est en pleine «pondération » aujourd’hui. Pascal Blanchet, le directeur de cette école de 7 classes de cycle 3 en Rep+ ainsi que ses collègues, accueillent individuellement les parents des 163 élèves. La brigade des Zil Rep+ passera donc la journée entière dans les classes, comme c’est le cas également pour les journées de formation ou le travail en équipe. «On reçoit tous les parents deux fois dans l’année», explique Julien Colin, enseignant en CM1. «Cela crée un climat de confiance et ils ont une meilleure vision de l’institution. Et quand parents et enseignants tiennent le même discours, cela fait du bien aux élèves…et aux résultats ». Pièce essentielle pour cette école où plus de 90% des élèves sont issus d’une immigration socialement défavorisée.

Travailler tous ensemble

L’école entre dans sa troisième année de pondération et le choix des collègues de cette équipe très stable concernant ce temps libéré a privilégié la concertation, l’organisation et le travail autour du Plus de maîtres . «Nos résultats en géométrie et en production d’écrit aux évaluations nationales n’étaient pas bons du tout il y a deux ans et nous avons donc décidé de mettre le paquet avec des ateliers en CM1 et CM2», poursuit le directeur à mi-temps en CM2. Pour les CE2, les enseignants et le PDM, qui bénéficie aussi de la pondération, ont choisi ensemble la méthode de lecture et ont décidé de démarrer des ateliers de fluence en lecture dès la rentrée. Julien continue: «Ce PDM c’est la vraie bonne idée du système car cela permet de travailler de toutes les manières possibles, de stimuler les enfants. C’est souple mais on est aussi obligés de travailler ensemble. Après deux ans on constate que le climat de travail est apaisé et l’enfant devient plus ‘élève’. Avec les ateliers, on ‘emmène’ tout le monde, mais les compétences transversales, comme l’entrée dans le travail ou le vivre ensemble, sont difficiles à évaluer ». Céline Roussel, la PDM, complète : «même les IEN ne savent pas comment évaluer le dispositif. Mais au-delà du ressenti, à la fin de l’année, tous les élèves de CE2 ‘osent’ répondre aux questions de lecture, le font correctement à l’oral mais aussi à l’écrit. Avec les collègues, on a dépassé le stade de l’organisation… On expérimente et on commence à parler pédagogie ! » Pour Pascal, directeur de longue date dans l’école, il est difficile d’avoir du recul sur les résultats eux mêmes. «Nous avons continué à faire les évaluations nationales en CM2, ce qui nous permet d’avoir un outil interne de mesure et d’adapter le projet du PDM à la situation de l’école. Actuellement, même si la population du quartier s’est appauvrie et que l’école accueille de nombreux primo-arrivants, on observe alors des améliorations».

Dans le quartier du Petit Bard à Montpellier, la mobilisation des acteurs de l’école autour de la mixité sociale commence à porter ses fruits.

Non au ghetto, oui à la mixité». Elles ont fait la Une des journaux en 2015, ces mères d’élèves qui avaient occupé les écoles du quartier du Petit Bard, à Montpellier, pour protester contre une modification de la carte scolaire. Il faut dire que dans le quartier «il y a une forte population d’origine marocaine, socialement très défavorisée», relève Myriam Bouchet, la directrice de l’école maternelle Jules Michelet classée en REP+. «Les enseignants et les partenaires de l’école, PMI, médiateurs santé, psychologues, pointaient depuis longtemps les difficultés spécifiques de nos élèves », précise-t-elle. Et il a fallu ce mouvement de protestation pour que les choses changent…un peu. En matière de politique de la ville notamment. « Au ralenti depuis plusieurs années, les chantiers de rénovation urbaine se sont accélérés », note Myriam, avec la rénovation des bâtiments publics et des écoles, l’arrivée du tramway, la construction d’une médiathèque. Et puis un travail sur la carte scolaire a été engagé.

Projets d’écoles

Dans le même temps, se sont déployés les dispositifs REP+. «Les maîtres supplémentaires et l’ouverture d’une classe de tout-petits, pour laquelle il a fallu tout de même beaucoup batailler », détaille la directrice. Un projet d’excellence langues aussi, dans le cadre duquel les enfants peuvent être affectés dans un collège ou un autre, projet qui va concerner les écoles au travers d’une classe d’excellence Anglais. Chaque groupe scolaire est associé à un projet: sciences, langues ou théâtre. L’objectif est de modifier le regard porté sur les écoles d’un quartier à la réputation toujours difficile. «Des familles qui arrivent aujourd’hui commencent à jouer le jeu», constate-t-elle. «On leur faire visiter l’école, rencontrer les enseignants, passer une journée en classe. Ils mettent leurs enfants chez nous en toute connaissance de cause et nous n’avons plus de stratégies d’évitement, de «fuites» dès la moyenne section ou au passage en CP. » Mais tout ceci reste fragile et « il faudrait maintenant accélérer sur tout ce qui touche à la rénovation urbaine, au désenclavement et à la politique de l’emploi », conclut Myriam.

L’interview

Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS

Agnès VAN ZANTEN est directrice de recherche au CNRS, à sciences po et à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS). elle est spécialiste des questions d’éducation et a notamment travaillé sur la production des ségrégations et des inégalités d’éducation et la comparaison des systèmes éducatifs internationaux

«Il faut agir simultanément sur la question pédagogique et sur celle de la mixité sociale»

Les résultats sont convergents avec ceux d’études précédentes qui avaient montré que globalement il n’y avait pas eu d’effet massif des différentes politiques d’éducation prioritaire (EP) sur les résultats des élèves. Toutefois, dans ces études, on a souvent du mal à distinguer ce qui relève des caracté- ristiques économiques et sociales des zones, qui peuvent avoir évolué dans le temps, et ce qui relève des choix politiques, administratifs et pédagogiques à propos desquels on observe aussi des dynamiques très diverses. Ceci rend toute généralisation problé- matique et potentiellement injuste tant il y a d’écarts internes entre les zones.

Il y a un décalage inévitable entre les travaux de recherche et l’action sur le terrain. Certaines dispositions de la dernière réforme sont néanmoins dans le prolongement des politiques déjà menées et on peut donc les apprécier. Les incitations financières pour les personnels sont davantage perçues par ces derniers comme une compensation par rapport à des conditions de travail difficiles que comme une incitation à la stabilité et à la mobilisation pédagogique. Au plan des effectifs, la réduction d’élèves par classe doit être significative pour être opérante, la moyenne de deux élèves en moins par classe n’induisant pas généralement des modalités d’enseignement plus efficaces. La création de maîtres supplé- mentaires avec du temps dégagé pour travailler en équipe est positive mais il n’y a pas d’incitations claires concernant les changements dans les pratiques éducatives. Par ailleurs, comme d’autres politiques, la nouvelle EP ne bénéficie pas d’un monitoring adapté, ce qui laisse présager à nouveau une grande hétérogénéité dans la mise en œuvre.

Il y a dans la société française une conscience très aiguë des inégalités, au-delà même de la situation réelle, à l’inverse de pays comme les États-Unis ou le Brésil, mais qui coexiste avec une vision profondément déterministe. Je m’en suis aperçue à l’occasion de mes enquêtes auprès des parents d’élèves de milieux favorisés. Ces derniers, tout en ayant une appréciation plutôt positive des enseignants — contrairement à ce que pensent les enseignants eux-mêmes—, estiment que ni l’action pédagogique, ni les décisions politiques n’ont vraiment la capacité de changer la donne sociale. Cette croyance s’enracine dans des visions historiquement construites donnant une large place à la réflexion et au scepticisme plutôt qu’à l’action et à la capacité des hommes à changer la réalité, mais elle s’est également nourrie des analyses sociologiques sur le rôle reproducteur de l’école et du sentiment de l’inefficacité récurrente de l’empilement des politiques éducatives.

La massification de l’enseignement n’a pas seulement été insuffisante pour démocratiser l’école mais a généré des réponses stratégiques chez les acteurs les plus dotés en ressources. Les parents des familles aisées accompagnent actuellement de façon plus intense que par le passé la scolarité de leurs enfants en les orientant vers des parcours privilégiés et en mobilisant leur capital économique pour compléter l’offre institutionnelle ou la contourner au travers du choix de l’habitat dans un beau quartier ou de l’inscription dans le privé, des cours particuliers et des séjours à l’étranger… L’école elle-même s’est adaptée et, à l’intérieur d’un système massifié, a continué à proposer des voies réservées à quelques uns à travers des établissements d’élite, ainsi que des options et des filières sélectives. Les politiques ont de leur côté peu à peu délaissé l’accent mis sur l’action territoriale contre les inégalités en faveur de l’extraction des bons élèves des établissements défavorisés en se fondant sur une conception très individualiste de la réussite qui autorise le maintien d’importants écarts de parcours entre les groupes sociaux.

Il faut cibler les endroits qui sont confrontés à des difficultés importantes en adaptant les réponses à la diversité des situations territoriales. Il faut en outre agir simultanément sur la question pédagogique et sur celle de la mixité sociale. La mixité sociale, surtout sous l’angle arithmétique, n’est pas une fin en soi. Il faut ensuite donner les moyens aux enseignants d’être capables de gérer l’hétérogénéité des élèves. Pour l’instant beaucoup d’entre eux y voient une difficulté indépassable alors que l’objectif central de l’école doit être de favoriser l’appropriation par tous les élèves d’un socle de connaissances leur permettant de devenir des citoyens à part entière.