T I N A : Au secours, Thatcher revient!
« There Is No Alternative! »
Chacun se rappelle la phrase célèbre de la dame de fer lancée de la porte du 10 Downing Street en juin 1980. Cette formule, qui a façonné la pensée unique des politiques économiques depuis la fin des années 70, semble en passe de coloniser définitivement les esprits. La bataille idéologique visant à en assurer le triomphe se mène sur plusieurs fronts.
D’abord les tenants de la pensée unique s’abritent souvent derrière la science pour démontrer la supériorité de leurs arguments. Administrée à longueur d’antenne à des français qui seraient dénués de culture économique, la leçon d’économie libérale des « experts » leur inculque les totems et les tabous de la « bonne gouvernance » et du redressement de la France : le plafond de la dette à 60% du PIB, celui de la dette à 3%, la baisse du coût du travail, la nécessaire réduction des charges des entreprises… sans se priver pour autant du recours au gros bon sens façon Mère Denis : La France ne peut pas dépenser plus qu’elle ne gagne.
Dans le même temps, les plus en vue de ces économistes (Aghion, Cette, Cohen) et qui ont leur entrées à l’Elysée, travaillent l’exécutif dans le but de « reprogrammer le logiciel des socialistes », d’ « apporter un nouveau souffle en combattant une vulgate keynésienne simpliste… » Leurs thèses, reprises dans un essai intitulé Changer de modèle lequel bénéficie, du Nouvel Observateur au Point, d’une importante promotion médiatique, triomphent dans la mise en œuvre du pacte de compétitivité (dont les mécanismes de transfert sont décryptés par ailleurs dans ce numéro) et la nomination de M. Valls.
Enfin, approuvées par le patronat, parfois bruyamment comme par exemple « des boulots pas forcément payés au SMIC », les mesures qu’ils préconisent sont portées par un personnel politique socialiste converti à la « politique de l’offre », « une véritable « révolution copernicienne » dont se félicitait P. Moscovici dès 2012. Bien indivis des sociaux démocrates, de la droite et du centre, ce corpus social libéral aurait donc vocation à être défendu dans une union sacrée, d’ailleurs encouragée par une bonne partie de la presse. Du coup, F.O. Gisbert traite de « Don Quichotte » les députés socialistes tentés de résister lors du vote du plan Valls et J-C. Cambadélis leur enjoint de « savoir terminer une fronde ».
Comment dès lors, quand on est député socialiste, convaincu de longue date ou converti au nouveau credo, parfois à l’insu de son plein gré, entendre les revendications et y répondre, sinon en prônant le nécessaire partage d’indispensables sacrifices. Gageons à cet égard que les retraités qui auront défilé à Paris le 3 juin seront admonestés, accusés de compromettre le redressement du pays, traités d’irresponsables voire de nantis égoïstes.
Raison de plus pour s’opposer à cette charge culpabilisante, non seulement par l’action mais aussi par l’exigence et l’élaboration de solutions alternatives.
Gérard Clément