Dossier : Réforme territoriale
Édito
Dossier réalisé par par le collectif d’animation du secteur services publics, avec le concours de militant-e-s de la FSU.
Le nouveau grand rendez-vous de la France avec la décentralisation était annoncé comme une priorité du gouvernement placée sous le signe d’un renforcement de la démocratie, des libertés locales et de la solidarité entre les territoires.
Après trois lois de réforme territoriale et divers « chantiers » de réformes de simplification de l’État, l’acte de décentralisation s’est transformé en une mise en oeuvre de réorganisations territoriales et administratives d’un État sommé de se « moderniser ». Ces réorganisations ont, au final, reconfiguré les lignes force entre les différents acteurs porteurs des politiques publiques : l’État et son administration, les collectivités territoriales. Pour ces dernières, régions, métropoles et intercommunalités voient leurs rôles renforcés.
La FSU a porté la nécessité qu’un bilan des actes antérieurs de décentralisation soit mené en préalable à toute nouvelle étape. Elle a exigé, en vain, tout au long du processus, que les citoyen-ne-s usager-ère-s, les personnels et leurs organisations soient consultés. Le gouvernement n’a pas choisi cette voie de dialogue et d’élaboration.
Pour la FSU, on ne peut en rester au statu quo. Un débat doit s’ouvrir pour interroger le rôle de l’État et des collectivités territoriales, des services publics, d’une politique fiscale juste et régulatrice, des inégalités territoriales, l’exercice de la démocratie…
Parce que les services publics, la Fonction publique et tou-te-s les agent-e-s qui y concourent sont au coeur de notre projet, la FSU mènera, au cours de ces prochains mois, une nouvelle campagne d’opinion.
Bernadette GROISON Secrétaire générale de la FSU
Les articles
La répartition des compétences entre collectivités territoriales
Pour le gouvernement, la loi Maptam et la loi NOTRe sont censées avoir clarifié la répartition des compétences entre collectivités territoriales. Cependant, suivant que l’on vit dans une métropole ou non, en Île-de-France, à Lyon, en Corse ou en Martinique, ou dans une zone rurale, les compétences attribuées à chaque CT ne sont pas identiques.Et pour sans doute accroître la lisibilité pour les citoyenne- s du « qui fait quoi », la loi Maptam a introduit la création de la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP) ! Et pour sans doute accroître la lisibilité pour les citoyenne- s du « qui fait quoi », la loi Maptam a introduit la modularité locale dans l’exercice des compétences avec la création de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP, voir page « De la décentralisation à la réforme territoriale »).
Dans le même temps, la carte des intercommunalités doit être achevée au 31 décembre 2016. C’est donc une véritable gageure de présenter une répartition de compétences courant 2016 !
…pour les différentes collectivités
Les régions ont également compétence sur la formation professionnelle, la gestion des lycées, le soutien aux politiques de la ville, à la rénovation urbaine, à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat. Les régions deviennent compétentes, par décentralisation, pour l’investissement, l’entretien et le fonctionnement des CREPS(2). Ces évolutions sont à mettre en lien avec le transfert aux régions de la gestion des fonds structurels européens. Elles pourront jouer un rôle de coordination en matière d’emploi, mais sans toucher aux prérogatives de Pôle Emploi. Les régions ont également un rôle moteur en matière d’environnement.
(1) SRADDET : Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ; SRDEI : Schéma régional de développement économique, de l’innovation et de l’internationalisation ; schéma régional de l’intermodularité ; schémas interrégionaux du littoral et de massif.
(2) CREPS : Centre de ressource, d’expertise et de performance sportives.
Ils perdent au profit des régions les compétences liées aux transports solaires, aux transports routiers non urbains et aux gares publiques routières de voyageurs. Des dispositions spécifique sont prévues pour leur permettre de continuer à intervenir dans certains domaines (agriculture, cinéma, santé).
La culture, les sports, le tourisme, l’éducation populaire et les langues régionales relèveront à la fois des régions et des départements. Ces deux collectivités peuvent contribuer au financemen des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche implantés sur leur territoire ainsi qu’aux oeuvres universitaires. Elles peuvent également, par convention, organiser des mutualisations dans la gestion des EPLE. Les ports pourront relever, selon les cas, d’un type ou d’un autre de collectivité territoriale.
Les métropoles qui le demanderont pourront aussi exercer par délégation de l’État des compétences en matière d’habitat (exercice de la responsabilité de la garantie du droit au logement opposable ; gestion de l’hébergement d’urgence).
De même, elles pourront exercer, par convention, des compétences relevant du département (comme la gestion du fonds de solidarité pour le logement, les collèges) ou de la région (lycées, développement économique).
Des éléments à cliquer
Des compétences de différentes natures
Trois dispositions permettent ainsi des actions communes des collectivités :
◊ Les compétences partagées : il s’agit de compétences transversales comme l’aménagement numérique (attribuées à l’ensemble des collectivités territoriales) ;
◊ Le chef de file : quand la mise en oeuvre d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités, une collectivité est chargée de coordonner l’action de chaque collectivité à travers l’élaboration d’une convention territoriale d’exercice concerté de cette compétence (examiné en CTAP). La région est ainsi cheffe de le pour l’exercice des compétences en matière de climat, qualité de l’air et énergie, pour l’organisation des transports ferroviaires régionaux…
◊ Les délégations de compétences :
– entre une collectivité territoriale et une autre collectivité territoriale (relevant d’une autre catégorie) exerçant au nom et pour le compte du déléguant,
– de l’État aux collectivités territoriales : la région peut ainsi mettre en oeuvre par délégation la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences.
Clause générale de compétence
Cette clause permet à une collectivité d’agir dans tous les domaines, donc au-delà des compétences obligatoires dénies par la loi.
La loi NOTRe la supprime aux régions et aux départements qui l’avaient obtenue en 1982. La commune est donc maintenant la seule collectivité territoriale concernée.
Des collectivités territoriales uniques
En Guyane et Martinique, depuis le 1er janvier 2015, il n’y a plus qu’une seule collectivité en lieu et place de la Région et du département. En Corse, les deux conseils départementaux disparaîtront au 1er janvier 2018, la collectivité territoriale de Corse exercera les compétences départementales en plus des siennes propres.
5 collectivités territoriales différentes
Le « bloc communal » qui comprend les communes (elles bénéficient de la clause générale de compétences), les intercommunalités qui deviennent obligatoires avec un seuil de 15 000 habitants (mais 200 000 en Ile-de-France, hors Grand Paris).
Les régions dont la carte a été redessinée pour aboutir à treize régions métropolitaines, et les départements finalement maintenus. Ces deux collectivités n’ont pas de clause générale de compétence, chacune s’est vue attribuer un bloc de compétences.
Les métropoles (treize de « droit commun » et trois spécifiques) ont les compétences renforcées des communes de leur territoire et peuvent bénéficier de compétences départementales ou régionales, mais aussi des compétences de l’État. Une métropole se substitue aux intercommunalités qui existaient sur son territoire.
La suite des articles
Transports scolaires
Cette compétence est transférée des départements aux régions au 1er septembre 2017. La tendance est au refus des régions à déléguer cette mission aux conseils départementaux qui la déléguaient eux-mêmes souvent à des intercommunalités. Les régions arguent de l’impossibilité légale de délégations en cascade pour prendre en charge les transports scolaires. Conséquence immédiate : mécontents de ne plus exercer cette compétence, les conseils départementaux ont annoncé qu’ils ne feraient aucun changement des horaires pour 2016-2017, alors que la réforme des collèges pourrait imposer, dès septembre 2016, des modications de la journée scolaire.
Fermetures de collège
Dans certains départements (Morbihan, Mayenne, Ile-et-Vilaine, Eure-et-Loire…) les conseils départementaux prévoient de fermer des collèges, en milieu rural comme en milieu urbain. Si cela n’est pas directement un effet de la réforme territoriale, c’est une façon de réaliser des économies et parfois de favoriser l’enseignement privé.
Le conseil départemental ne peut fermer un collège qu’après une procédure bien codiée, cela nécessite entre autre la consultation du CDEN et l’accord du préfet.
Décentralisation, déconcentration
Quelles sont les différences entre déconcentration et décentralisation ? Jusqu’au milieu du xxe siècle, seul le terme de décentralisation était utilisé pour désigner les réformes alors souhaitées de l’État et des institutions locales. Progressivement, sous l’inuence de la doctrine juridique, une distinction s’est opérée entre deux termes : déconcentration et décentralisation. La déconcentration consiste à transférer des missions auparavant effectuées par les directions et administrations centrales des ministères – et les moyens correspondants – à des administrations réparties dans les différents territoires en fonction de cartes administratives qui ont longtemps été différentes d’un ministère à l’autre. Les rectorats sont un exemple d’administration déconcentrée. Jusqu’en 1982, les seules réformes entreprises l’ont été dans une logique de déconcentration.
À l’inverse, la décentralisation consiste à transférer des compétences – et si possible les moyens correspondants – à des autorités locales élues ayant une compétence géographiquement limitée. Les conseils et les exécutifs concernés peuvent être ceux des collectivités territoriales (communes, départements, régions) ou ceux d’établissements publics de coopération entre collectivités de même niveau (EPCI). La réforme constitutionnelle de 2003 a symboliquement ajouté à l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 une référence à l’organisation décentralisée de la République(1). De plus, elle a attribué aux collectivités territoriales à la fois un pouvoir réglementaire (art. 72 al. 3) qui demeure néanmoins subordonné au pouvoir normatif de l’État et un droit à l’expérimentation (art. 72. al. 4) qui nécessite une loi d’habilitation ou un décret en Conseil d’État et qui, en aucun cas, ne doit porter atteinte à une liberté publique ou à un droit garanti par la Constitution(2).
(1) Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République. (2) Loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales.
L’ère de la réforme permanente
L’abandon de l’acte III de la décentralisation au profit d’un triptyque législatif (loi Maptam, loi NOTRe, loi sur la fusion des régions) n’a pas été uniquement dicté par les exigences de l’organisation du travail parlementaire. Il s’agit du passage d’une réforme graduée à une réforme permanente des collectivités territoriales en lien étroit avec la réforme de l’État. La réforme permanente repose sur les grands principes du management public néolibéral : expérimentations, contractualisation, mise en concurrence des services publics avec les entreprises privées. Alors que la réforme graduée consiste à ajuster périodiquement la répartition des compétences entre l’État et les différents niveaux de collectivités territoriales, la réforme permanente se traduit par une répartition « à la carte » des compétences, différente d’un territoire à l’autre, en grande partie déterminée par les moyens dont disposent ou non les collectivités concernées. L’austérité budgétaire apparaît dès lors comme le carburant de la réforme, en incitant les acteurs concernés à aller toujours plus loin et toujours plus vite que les autres collectivités ainsi érigées en concurrentes.C’est pourquoi il devient de plus en plus difficile aujour – d’hui de présenter un tableau « réaliste » de la répartition des compétences. La réforme permanente pose par conséquent plusieurs problèmes :
- une lisibilité de plus en plus faible de la répartition des compétences et de l’offre de services publics ;
- la remise en cause de fait de l’égalité entre citoyen-ne-s et entre territoires ;
- la substitution d’un principe de concurrence, à la fois horizontale et verticale, à la coopération déterminée par la loi entre l’État et les collectivités territoriales ;
- l’affaiblissement du sens de leurs métiers et de leurs fonctions pour les agents du service public.
Trois lois
Les trois lois de réforme territoriale : Modernisation de l’action publique territoriale et affirmatio des métropoles (Maptam) ; création des nouvelles régions métropolitaines ; Nouvelle organisation terri – toriale de la République (NOTRe) modifient considérablement l’organisation des collectivités territoriales et l’organisation déconcentrée de l’État. Elles ont été élaborées et votées entre janvier 2014 et août 2015, l’une après l’autre, sans que les citoyen-ne-s, les salarié-e-s et leurs représentant- e-s (associations, syndicats) puissent donner leur point de vue.- La loi Maptam (janvier 2014), outre la création de métropoles (voir page 5), permet aux collectivités d’une même région de contractualiser les compétences. Selon les promoteurs de la loi, l’efficaci de l’action publique dépendrait de l’adaptation des structures aux spécificités locales (on retrouve cette « philosophie » dans la charte de la déconcentration – page 10). La loi a donc créé les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ; instituées au niveau régional, qui se réunissent dans la première année de mandat du conseil régional. Les collectivités ont la possibilité de se répartir des compétences par conventions d’une durée de six ans (durée du mandat régional) autrement que par les répartitions prévues par la loi NOTRe (en s’affranchissant ainsi du cadre théorique proposé par la loi). On peut ainsi dire que des missions vont varier dans l’espace et dans le temps, au gré de la géographie et des résultats électoraux.
- La loi de janvier 2015 a créé les nouvelles régions métropolitaines.
- La loi NOTRe (août 2015) a précisé les compétences des collectivités et supprimé la clause générale de compétence (cf. encart p. 3) pour les régions et les départements. Les régions et les intercommunalités sont renforcées au détriment des départements et des communes.
● La Métropole du Grand Paris (MGP) englobe 131 communes dont Paris, celles des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint- Denis et du Valde- Marne, ainsi qu’une dizaine de communes des départements de la grande couronne (77, 91, 95). La métropole est découpée en douze « territoires » (qui sont des EPT : Établissements Publics Territoriaux) d’au moins 300 000 habitants chacun. Progressivement, du 1er janvier 2016 jusqu’en 2018, des transferts de compétences vont s’effectuer vers les nouvelles entités territoriales. Ainsi, les douze territoires (EPT) de la Métropole du Grand Paris vont assurer dix compétences dont sept obligatoires : la gestion des déchets ménagers, les équipements culturels et sportifs d’intérêt territorial, la politique de la ville, l’action sociale d’intérêt territorial, le plan local d’urbanisme, le plan climat air énergie, l’assainissement et l’eau. Trois compétences seront partagées avec la Métropole du Grand Paris : le développement économique, l’habitat, l’aménagement. La Métropole du Grand Paris, elle, aura quatre compétences obligatoires : l’aménagement de l’espace métropolitain, la politique locale de l’habitat, le développement et l’aménagement économique, social et culturel, la protection et la mise en valeur de l’environnement et la politique du cadre de vie. Les agents exerçant ces missions seront transférés dans les nouvelles entités territoriales mettant en oeuvre les compétences ; selon le cas, la métropole, ou l’un des douze territoires (EPT), sauf convention locale organisant le maintien de ces missions dans la collectivité d’origine. La métropole du Grand Paris représente la partie la plus dense du territoire national en population et en emplois, et la plus riche de l’Ile de France. Elle va donc polariser l’ensemble de la région, ce qui suscite l’inquiétude des départements de la grande couronne. En même temps Yvelines et Hauts de Seine veulent former le plus gros département de France, le plus peuplé et le plus riche aussi, manière d’échapper aux fourches caudines de la solidarité territoriale mais aussi de constituer un pôle attractif pour les investissements au détriment du reste du territoire métropolitain et de Paris.
● La métropole de Lyon est le résultat d’une entente, en dehors de toute démarche démocratique, entre le maire de Lyon et le président du conseil général, avec l’objectif de compter au plan européen, voire mondial. La métropole de Lyon recouvre les territoires de l’ex-COURLY (COmmunauté URbaine de LYon) ; et regroupe 59 communes et 1 300 000 habitant-e-s. Elle cumule les compétences issues du département (le reste du département est devenu « le nouveau Rhône »), de la COURLY et celles issues de la loi auxquelles peuvent s’ajouter les compétences des collectivités territoriales et de l’État transférées après accord (la région peut lui transférer la compétence « lycées »…). Cette métropole de Lyon représente le second espace économique français, ce qui n’est pas sans susciter des craintes tant au plan national (risque de siphonage d’opportunités : économiques…) qu’au plan régional large (polarisation du pôle métropolitain vers la capitale régionale) et au plan local (devenir des politiques sociales des communes, risque que la situation dégradée des communes dans l’Est Lyonnais perdure).
● La métropole d’Aix- Marseille-Provence. Cette métropole est issue de la fusion de six intercommunalités et compte 92 communes pour 1,8 million d’habitants, soit 93 % de la population des Bouches-du-Rhône et 37 % de la population de l’ensemble de la région PACA. Les difficulté sociales, les retards dans de nombreux domaines (transports, logements, économie productive…) de cet espace métropolitain avaient été pointés par la FSU. Cette dernière a défendu l’urgence d’y développer les services publics tout en alertant sur le risque de concentrer les richesses et l’excellence sur un territoire ou plusieurs, et de compromettre ainsi durablement la solidarité régionale. Avec trois métropoles sur la région, elle posait aussi la question de l’avenir du reste du territoire.
Aggravation des inégalités territoriales et sociales autour et dans l’espace métropolitain, risque de pression des grosses structures sur les plus petites, manque de démocratie, éloignement du citoyen des instances de décision… Loin d’atténuer les inégalités très fortes, la constitution des métropoles va accentuer la concurrence entre les collectivités, sous fond de clientélisme et d’accords politiciens.
(1) La Loi prévoit également que des métropoles situées dans des bassins de plus de 400 000 habitants, peuvent être volontairement créées, par décret, sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée des communes membres (article 43 de la loi). Il s’agit des bassins situés autour de Brest et Montpellier.
Les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI)
La loi NOTRe a fixé au 31 décembre 2016 l’échéance de la refonte de la carte des EPCI (établissement public de coopération intercommunale) via les schémas départementaux de coopération intercommunale(1). Les préfets disposeront de pouvoirs accrus afin que les arrêtés permettant leur mise en oeuvre soient publiés avant le 31 décembre 2016, avec une date d’effet au 1er janvier 2017. Cette fusion d’EPCI est dérogatoire par rapport au droit commun de l’article L.5211-41-3 du CGCT (code général des collectivités territoriales). Elle repose sur un formalisme réduit : nul besoin ni d’un rapport explicatif, ni d’une étude d’impact budgétaire et fiscale, ni d’un projet de statuts. L’objectif fixé aux préfets est double :● la création d’EPCI de grande taille : le seuil des 15 000 habitants ou ses adaptations est une limite basse que les préfets sont invités à dépasser. Tous les départements sont concernés, y compris ceux dans lesquels aucun SDCI n’a été arrêté sur le fondement des dispositions de la loi RCT (Réforme des Collectivités Territoriales) du 16 décembre 2010 ;
● la couverture intégrale du territoire et la suppression des enclaves et discontinuité territoriales.
C’est dans les départements où aucun SDCI n’avait été adopté en 2011 que cette réforme sera la plus difficile à réaliser. Même si la loi NOTRe permet à plusieurs intercommunalités de déroger au seuil des 15 000 habitants, notamment dans les zones de montagne, plus aucune communauté ne pourra compter moins de 5 000 habitants. Selon l’Assemblée des communautés de France(2), un vaste remaniement territorial est à prévoir un peu partout dans la Nièvre, la Lozère, les Hautes-Pyrénées, l’Ariège. Ailleurs, ce sont des secteurs entiers de départements qui vont être bouleversés, comme dans le Calvados, la Sarthe, l’Orne, l’Aveyron, le Loiret, la Haute-Corse, la Corse du Sud. Au total, le nombre d’EPCI devrait diminuer d’environ 35 %, c’est-à-dire passer de 2 611 au 1er janvier 2015 à environ 1 400. Quant aux syndicats mixtes, leur nombre devrait diminuer, les préfets ayant la possibilité de prononcer la dissolution de tout syndicat jugé inutile en raison du transfert envisagé de ses compétences. L’élaboration des projets de SDCI devra se faire sur la base de critères « objectifs, notamment statistiques, géographiques et économiques ». Dès la phase d’élaboration, ainsi qu’à chaque étape de la procédure, les préfets devront consulter et associer l’ensemble des élus et, s’ils l’estiment pertinent, d’autres acteurs (représentants des chambres consulaires, acteurs socioéconomique et associatifs…) des territoires concernés par les projets de SDCI envisagés, ainsi que les membres de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI).
Les communes nouvelles
La fusion des communes a été pendant longtemps un axe privilégié des réformes territoriales, sans grand succès il est vrai. La loi du 16 décembre 2010 a instauré un nouveau dispositif de fusion prévoyant qu’« une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës. Les communes nouvelles sont soumises à l’ensemble des règles applicables aux communes( 3). Ce dispositif très contraignant n’a pas rencontré de succès : à peine plus d’une vingtaine de communes nouvelles furent créées entre 2011 et 2015, sachant qu’aucune ne pouvait l’être l’année précédant les élections municipales. Ce dispositif a de nouveau été modifi par la loi du 16 mars 2015(4). La création de communes nouvelles apparaît aujourd’hui pour les élus locaux comme un moyen de compenser la baisse des dotations de l’État, car la loi garantit aux communes nouvelles dont la population regroupée est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants, ainsi qu’à celles qui sont issues d’un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre, quel que soit leur poids démographique, une bonification de leur dotation forfaitaire de 5 % pendant trois ans à compter de leur création. Selon le 5e baromètre du Courrier des maires, 22 % des élus envisagent de fusionner avec une autre commune, et même 26 % pour les maires des communes ayant entre 5 000 et 20 000 habitants. La moitié des répondants avouent avoir comme objectif principal la mutualisation des dépenses de fonctionnement. Pour tenir compte de cet engouement, l’Assemblée nationale a reporté de six mois la date limite pour pouvoir bénéficier de ce pacte financie (5). Au total, 313 communes nouvelles ont été créées au 1er janvier 2016 par fusion de 1 084 communes. C’est dans le département de la Manche, cher au ministre de l’Intérieur, que ce processus de fusion a été le plus conséquent (36 communes) ; la commune nouvelle la plus importante est celle de Cherbourg-en-Cotentin (81 644 habitants).
Cet emballement du dispositif pose néanmoins deux problèmes : premièrement, il s’agit le plus souvent de décisions opportunistes qui n’ont pas été présentées et donc approuvées par les électeurs lors du renouvellement des conseils municipaux en 2014 ; deuxièmement, ces fusions qui ne disent pas leur nom peuvent avoir des conséquences sur l’organisation des services publics, en particulier en ce qui concerne l’enseignement en favorisant les regroupements et les fermetures d’écoles, sachant qu’un récent rapport sur l’école primaire estime « qu’il n’y aura que des avantages à faire coïncider circonscriptions et intercommunalités »(6).
(1) Articles 33, 35 et 40. (2) www.adcf.org/institutions-et-pouvoirs-locaux/ SDCI-une-carte-interactive-des-communautes-auregard- des-nouveaux-seuils-de-la-loi-NOTRe-2716.html. (3) Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. (4) Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. (5) Disposition adoptée le 17 novembre 2015 lors de l’adoption en première lecture du PLF 2016. (6) IGEN/IGAENR, Pilotage et fonctionnement de la circonscription du premier degré, rapport n° 2015- 025, juin 2015.
Au plan budgétaire, un effet ciseaux :
● la baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement (moins 1,14 milliard d’euros en 2016) ;
● l’amputation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 25 % en moyenne à compter de 2017 avec le transfert du développement économique aux régions ;
● l’explosion des dépenses sociales (+ 9 % depuis 2010 ; 35,1 milliards d’euros en 2014), en raison essentiellement de l’aggravation de la situation sociale (chômage de masse, augmentation de la précarité et de la pauvreté)(1)… font que l’Assemblée des Départements de France annonce que 40 départements seraient dans l’incapacité de payer l’intégralité de leur dépenses sociales contraintes en 2016, en effet celles-ci ne sont pas compensées en totalité par l’État.
Face à cette situation, les départements utilisent des leviers tels que :
● l’augmentation de la fiscalité : ainsi ; le recours à la hausse de la taxe sur le foncier bâti (TFPB) devrait concerner la moitié des départements ;
● la réduction des dépenses : frais de fonctionnement, masse salariale, investissements( 2) font l’objet de plans d’économies drastiques. Ainsi, les subventions culturelles, la gratuité d’accès aux transports scolaires… sont remises en cause (ex : 110 € actuellement dans l’Oise alors que l’accès était gratuit auparavant). Des cellules « antifraude » fleuris sent avec par exemple la mise en surveillance des bénéficiaires du RSA. Du côté des agent-e-s, les effectifs, le temps de travail, sont sur la sellette avec des décisions de non-renouvellement de personnels sous contrat, et des perspectives de non-remplacement de fonctionnaires territoriaux partant en retraite (le « un sur deux » évoqué dans la plateforme fonction publique du parti LR, le « un sur trois » mis en oeuvre par le conseil départemental des Alpes- Maritimes…) ;
● le recours à l’emprunt également envisagé.
Au plan « politique », un affaiblissement en cours
Les effets de la loi NOTRe du 7 août 2015, se traduisent par la perte de deux des compétences- clés des départements, les transports scolaires et les routes, transférées aux régions. Le projet controversé de recentralisation du RSA (soit par la renationalisation complète du RSA, soit par la prise en charge par l’État du reste à charge) priverait les départements, s’il aboutit, d’une de leurs principales compétences, concourant ainsi à une perte de légitimité de cet échelon territorial. Les départements se retrouvent de fait placés en position vulnérable si l’idée de leur suppression revenait sur le devant de la scène…
Pour autant, les départements n’ont pas dit leur dernier mot
Si depuis la loi NOTRe et la suppression de la clause de compétence générale(3), les départements n’ont plus le droit d’aider directement les entreprises(4), une période transitoire s’ouvre jusqu’en 2017, date du transfert des départements aux régions du quart de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (4 milliards d’euros). Ainsi, dans les régions nouvellement fusionnées, comme en Normandie, le choix a été fait de déléguer temporairement les aides aux entreprises aux cinq départements…
D’autre part, les départements conservent des possibilités d’intervention à travers la compétence tourisme qui reste partagée. À l’exemple de la Vienne où l’agence de tourisme est devenue agence de créativité et d’attractivité du Poitou avec comme objet, en plus du tourisme, de favoriser l’implantation d’acteurs économiques. Le flo de la loi NOTRe permet cela.
Entre la perte d’une ambition d’aménagement du territoire au profit de la mise en concurrence de métropoles et de super-régions et la montée en puissance des intercommunalités, la place restante pour les départements est mince. Cependant, l’avenir des départements ne réside-t-il pas dans leur capacité à favoriser la cohésion entre les zones qui concentrent les richesses et celles qui sont de plus en plus reléguées (campagnes, cités…) ?
(1) Près de 10,7 milliards d’euros sont consacrés aux dépenses nettes liées au revenu de solidarité active (RSA) socle et au RSA socle majoré, aux contrats uniques d’insertion. Ces dépenses augmentent de 8 % en euros constants par rapport à 2013. Elles représentent un tiers des dépenses consacrées aux quatre principales catégories d’aide sociale. (2) Les coupes dans les budgets d’investissements sont en recul de 4,5 % en 2015 et devraient se poursuivre en 2016. (3) Le Conseil d’État a répondu positivement à la demande de l’Assemblée des départements de France (ADF) de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales. En jeu : la suppression de la clause de compétence générale introduite par l’article 2 de la loi « NOTRe » du 7 août 2015. Décision attendue le 22 septembre 2016 au plus tard. (4) Certains contestent même le fondement légal de cette disposition, une collectivité pouvant déléguer à une autre une compétence dont elle est attributaire.
Formation professionnelle
Le gouvernement a choisi de réaffirme la place centrale des régions, en leur donnant un rôle de décision sur une partie de la gestion des fonds européens, mais aussi sur les structures et les axes politiques de développement, sans pour autant rogner le pouvoir des branches professionnelles et donc du patronat. Ainsi le rôle de l’État (définition des axes politiques de développement de la formation professionnelle, moyens structurels mis en oeuvre) est réduit au profit des acteurs territoriaux.
Dans ce contexte, le maintien des GRETA(1) dans l’Éducation nationale, des CFPPA(2) de l’Enseignement Agricole Public et des CREPS(3) dans un service public de la formation est une nécessité pour la FSU.
Le Service Public Régional d’Orientation (SPRO)
Le Service public régional d’orientation découle de la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle. Cette loi confie à l’État l’orientation dans les écoles, les établissements scolaires et l’université. Et elle donne aux régions, par la signature d’une convention (accord cadre) liant l’État et la région, la coordination de tous les services d’orientation pour les demandeurs d’emploi, les actifs et les décrocheurs :
● la question de l’adéquation entre formations et tissu économique est au coeur de la réforme de l’orientation ;
● la question du devenir des CIO(4) et de leurs personnels d’État se pose, comme celle du fonctionnement des CIO hors temps scolaire…
Des régions, quelle que soit leur couleur politique, tentent d’intégrer les CIO au sein du SPRO. Ainsi, l’orientation scolaire et l’orientation des salarié- e-s lors de leur parcours professionnel sont parfois conçues en contradiction avec l’article 22 de la loi du 5 mars 2014. Les CIO sont des contributeurs du SPRO, et restent avec leurs personnels, des services de l’État.
La formation professionnelle initiale
Pour la formation initiale, la région a la pleine compétence pour l’apprentissage, et une compétence partagée avec l’État pour les lycées professionnels. Depuis plus de 20 ans, les différents gouvernements ont assuré la promotion de l’apprentissage. La quasi-totalité des régions, au delà des couleurs politiques là aussi, sont des ferventes partisanes de l’apprentissage et y consacrent des sommes importantes. Bien que le nombre d’apprentis ait baissé ces dernières années pour les niveaux pré bac, les politiques régionales favorisent l’apprentissage par rapport à la voie scolaire en lycée professionnel. Tous les ans, la région défini avec le recteur de région académique, la carte des formations. L’État et la région sont « condamnés à s’entendre ». Par ailleurs, en débfut de chaque mandat (donc maintenant), l’exécutif régional doit élaborer le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle – CPRDFOP – (article L214-13 du code de l’éducation). La FSU, par son représentant au CREFOP (voir page 13) devra donner un avis ; cela va aussi nécessiter un travail en amont pour peser dans l’élaboration de ce document qui engagera la région pour six ans.
Nouvelles régions, nouveaux exécutifs
Les exécutifs élus en décembre 2015 vont « étrenner » les trois lois de la réforme territoriale, mais aussi faire converger les politiques des anciennes régions. Tant dans les domaines de la formation professionnelle, de l’apprentissage et des lycées, la nature des mesures et des efforts finan ciers variaient fortement d’une région à l’autre. Ainsi, pour la gratuité des manuels des lycées, cela allait de la gratuité totale pour les familles à des « chèques-livres » permettant l’acquisition de quelques manuels. Il y a donc un enjeu fort, dans les nouvelles régions, à ce que la convergence des mesures ne corresponde pas à un alignement sur le moins-disant.
Enseignement supérieur et recherche
Avant même la loi NOTRe, beaucoup de conseils régionaux s’étaient dotés de schémas d’orientation concernant l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Désormais, ceux-ci sont rendus obligatoires (article L 214-2 du code de l’éducation) Les collectivités territoriales et les EPCI qui accueillent des sites universitaires ou des établissements de recherche sont associés à l’élaboration de ces schémas qui doivent également s’articuler à la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES). Les objectifs fixés par cette dernière sont ambitieux – 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, 20 000 doctorant- e-s par an, un étudiant-e sur cinq de plus de 30 ans en FTLV), mais aucun moyen ne figure en regard de ces documents d’orientation. De plus, rien ne garantit que les conseils régionaux ne soient pas tentés par des logiques ou spécialisations thématiques en rupture avec le principe d’égal accès aux formations supérieures. Enfin, la loi NOTRe a également prévu que les régions doivent être consultées sur les aspects régionaux de la carte des formations supérieures et de la recherche.
(1) GRETA : Groupement d’établissements. (2) CFPPA : Centre de formation pour la promotion agricole. (3) CREPS : Centre de ressources, d’expertise et de performance sportives. (4) CIO : Centre d’information et d’orientation.
Régions cadémiques
Le 31 juillet 2015, le gouvernement annonçait le maintien de l’ensemble des académies. Le décret du 10 décembre 2015 portant sur « l’organisation et la coordination interacadémiques » institue les régions académiques et va bien plus loin de ce que peut laisser entendre son titre.Au-delà des critiques portant sur la refonte de la carte des régions, la FSU s’est mobilisée contre les fusions d’académies un temps envisagées par le gouvernement.
Ce dernier ne s’était pas caché de rechercher, au travers de ces réorganisations, des économies substantielles notamment par le biais de mutualisation de services au risque de dégradations sévères de la qualité du service public et des conditions de travail et d’exercice des missions des personnels. Aujourd’hui, ces risques sont loin d’être écartés.
Le décret crée des régions académiques dont les périmètres regroupent une à trois circonscriptions académiques, pour s’adapter aux nouvelles régions. Si les académies subsistent sans changement de frontières, à chaque région correspond un recteur de région académique chargé notamment de la coordination avec les services régionaux. Un service pour les affaires régionales (SAR) est créé pour l’assister dans cette mission. La gestion des personnels (mutations intra, notation, avancement…) reste du ressort des académies, les recteurs de région académique deviennent responsables des relations avec la région, mais aussi des mutualisations de services interacadémiques. Une circulaire parue le 4 mars 2016 précise cela et confirme les inquiétudes que la FSU avait exprimées en votant contre le projet de décret.
Donner les moyens à l’État de défendre une politique cohérente et unique face aux exécutifs régionaux dans les champs de compétences partagées est indispensable. Surtout dans un contexte de réforme territoriale « à la carte ».
Mutualisations à la carte
Mais en faisant de la région académique un niveau supérieur à celui de la circonscription académique, en ouvrant sans cadre national (sauf pour le contrôle de gestion des universités) toutes les possibilités de services interacadémiques voir interrégionaux, le projet de décret reprend une logique de fusion que le gouvernement affirm avoir écartée. Il dépasse largement l’objectif d’adaptation à la nouvelle donne régionale. Il peut remettre en cause l’académie comme structure d’organisation et laisse aux bons soins de choix locaux l’organisation déconcentrée du ministère. Tout au long de l’élaboration de cette réforme territoriale, des voix se sont élevées pour défendre une régionalisation complète de l’Éducation et c’est bien contre cela que la FSU se bat aussi.
Écoles primaires et territorialisation
L’affirmation des métropoles, des intercommunalités ainsi que la baisse des dotations globales de fonctionnements pour les collectivités territoriales ne seront pas sans incidences sur l’évolution du maillage territorial du réseau scolaire et le fonctionnement des écoles. Ainsi, la démarche de contractualisation engagée en milieu rural entre l’éducation nationale et des élu-e-s locaux sous la forme de conventions rurales se traduit par la volonté partagée de restructurer le réseau scolaire dans un contexte de baisse de la dépense publique. Les fermetures de classes uniques et de petites écoles, les fusions d’écoles, la concentration des RPI (regroupements pédagogiques intercommunaux) sont au programme et fragilisent le service public d’éducation de proximité dans des secteurs déjà en difficulté en matière d’égalité d’accès aux services publics.
Le rôle et le poids croissant de certaines collectivités territoriales se traduit par une redistribution de la compétence scolaire vers les intercommunalités. La généralisation de projets éducatifs de territoires, la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires ont accentué des inégalités territoriales déjà existantes entre les écoles.
La réorganisation territoriale de l’État
À côté du sujet très médiatisé des choix d’appellation des nouvelles grandes régions, les fusions ont pour conséquence une réorganisation des directions régionales nettement moins anecdotique.
Le Conseil des ministres du 31 juillet 2015 avait désigné des chefs-lieux provisoires des nouvelles régions fusionnées entraînant une certaine grogne parmi des barons locaux « déclassés ». Il avait donné aux exécutifs régionaux, sortis des élections décembre 2015, la date limite du 1er octobre 2016 pour arrêter un choix définitif. Le choix de Strasbourg pour la grande région Est (Alsace-Champagne- Ardennes-Lorraine) avait été arrêté par la loi. Le gouvernement avait alors choisi les villes les plus peuplées des six autres nouvelles régions : Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Rouen et Toulouse.
Conjointement au choix des capitales régionales, il s’agissait aussi de répartir les directions régionales des services de l’État, ce qui a des conséquences importantes tant pour les usager-ère-s que pour les personnels des services publics. En effet , il y aura une seul-e préfet-e de région, une seul-e recteur-trice de région académique, un-e seul-e directeur- trice général-e d’agence régionale de santé et un-e seule directeur-trice régional-e pour chaque réseau ministériel, même si subsistent pour l’Éducation nationale les recteur- trice-s d’académies et que les SGAR (secrétariat général aux affaires régionales) ne seront pas partout rattachés à la capitale. Ainsi, la réforme a pour conséquence la suppression de 9 postes de préfet-e-s de région et de directeur-trices généraux-rales d’ARS ainsi que 63 directeur-trice-s régionaux- ales des administrations de l’État.
Le gouvernement a fait cette répartition avec la volonté affichée de limiter les pertes d’emplois publics dans les villes « rétrogradées » et de conserver des services de proximité. La carte ci-jointe met en évidence que ces principes seront très difficile à respecter et les déséquilibres sont grands notamment dans quatre nouvelles régions : Lyon, Lille, Strasbourg et Bordeaux « trustent » l’essentiel des directions régionales.
Concernant par exemple Lille et Amiens, le premier ministre annonçait le 30 juillet 2015 : « Il n’y aura pas de diminution du nombre de fonctionnaires de l’État dans votre ville ». Pourtant, la nouvelle répartition des sièges des directions régionales se traduit par une perte de 400 emplois publics à Amiens. On mesure là pour les agent-e-s les conséquences graves en termes de mobilités géographiques et fonctionnelles de ces suppressions de postes que le non-remplacement des départs en retraite ne suffir pas à compenser. Les impacts seront également importants pour les services publics et les usager-ère-s avec le risque d’un accès réduit au service public.
La Charte de la déconcentration
Un des enjeux des réformes en cours est l’adaptation des structures administratives aux territoires, ce qui ne va pas sans risques car subsistent et s’accroissent des inégalités dans l’accès aux services publics, dans les territoires ruraux et plus encore dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations. La déconcentration des services de l’État est-elle un outil adapté à la réduction de ces inégalités ?
Le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration a remis au goût du jour un texte ancien (1992) et réintroduit, au moins en apparence, la déconcentration, c’est-à-dire le transfert de compétences aux services de l’État dans les territoires, au centre de la réforme de l’État. Elle complète la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) mise en place par la loi Maptam. Outre une obligation d’une étude d’impact spécifiqu pour tous les textes ayant une publics, dans les territoires ruraux et plus encore dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations. La territoires, ce qui ne va pas sans risques car subsistent et s’accroissent des inégalités dans l’accès aux services incidence sur les services déconcentrés, cette charte permet au préfet de région de proposer au Premier ministre une modification des règles d’organisation des services déconcentrés et de répartition des missions entre ces services, pour s’adapter aux « spécificités du territoire » dont il a la charge. C’est dans ce cadre que s’inscrit la conférence nationale de l’administration territoriale de l’État qui devra mettre en cohérence l’action des administrations centrales et des services déconcentrés et veiller à l’application de la charte, en rassemblant notamment les secrétaires généraux-ales des ministères et les préfet-ète-s de région (circulaire du Premier ministre du 18 novembre 2015). Les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) ont été récemment réorganisés à cet effet (circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015). Contrairement à la charte de 1992, celle de 2015 ne s’inscrit pas dans une dynamique décentralisatrice, mais dans la perspective d’une rationalisation des services déconcentrés sans garantie du maintien des services publics dans les territoires et les quartiers.